Houneïda Hideche : « La peur est une émotion universelle qui me fascine »
Docteure en littérature et passionnée d’écriture depuis son plus jeune âge, Houneïda Hideche signe avec Mille et une peur son premier ouvrage, un recueil de contes publié aux éditions Les Rives et déjà traduit en anglais. L’autrice y explore l’émotion de la peur à travers une galerie d’histoires où l’angoisse, le rêve et le fantastique se mêlent avec subtilité. Rencontre avec une écrivaine pour qui la peur est avant tout un moteur de création.
Un recueil inspiré des « Mille et Une Nuits
« Mille et une peur n’est pas un simple recueil de contes », précise Houneïda Hideche d’emblée. « Il y a un récit cadre : chaque soir, une conteuse raconte une histoire à une petite fille. Des dialogues, des interruptions, des échanges rythment le texte, comme dans Les Mille-et-une Nuits, d’où le titre. »
L’autrice revendique des influences multiples – Kafka, Lovecraft, Hitchcock ou encore Edgar Allan Poe – qui nourrissent sa vision d’une peur intime et psychologique. « J’essaie d’amener le lecteur à ressentir les émotions des personnages, à vivre l’angoisse de l’intérieur. Parfois, il est la victime, parfois le tueur, parfois le spectateur. Cette alternance de points de vue crée une tension que j’aime explorer. »
Transformer l’ordinaire en source d’angoisse
À l’image d’Hitchcock, Houneïda Hideche aime partir du quotidien pour faire surgir l’inquiétant. « Dans Le Violoniste, un simple instrument rangé dans un placard devient source de trouble et de doute. »
Elle convoque aussi les mythes et les contes traditionnels. Dans Mami Watta, par exemple, elle revisite la légende de la sirène maudite de la tradition subsaharienne, racontée cette fois à travers les yeux de la créature elle-même. « J’ai voulu humaniser ce mythe, lui donner une voix », confie-t-elle.
« La peur nous relie tous
Pourquoi avoir choisi la peur comme fil conducteur ?
« Parce que j’aime faire peur ! » lance-t-elle en riant. « Depuis l’enfance, j’adorais raconter des histoires effrayantes. Mes tantes demandaient à ma grand-mère de m’arrêter pour que les enfants puissent dormir ! »
Mais derrière l’humour, il y a une vraie réflexion. « La peur est une émotion universelle. Tout le monde a peur de quelque chose, souvent sans raison rationnelle. C’est une émotion brute, primitive, mais aussi profondément humaine. »
Des peurs nées du confinement :
L’écriture de Mille et une peur est intimement liée à la période du confinement. « J’ai tout écrit à la main, sur un vieux calepin, sur notre terrasse. Le soir, quand je retranscrivais les textes à l’ordinateur, il m’arrivait d’avoir peur de mes propres histoires. C’est dire à quel point elles m’habitaient », confie-t-elle.
De l’écriture à la publication : un long chemin
Si Mille et une peur est son premier livre publié, Houneïda Hideche écrit depuis toujours. « À 12 ans, j’avais écrit Le Fantôme de Macgomery. Ma mère n’en revenait pas, elle pensait que ce n’était pas de moi ! C’était le plus beau compliment qu’on puisse me faire. »
Longtemps, elle a enchaîné les débuts de nouvelles sans jamais aller au bout. « Je manquais de patience. Le confinement m’a offert le temps et la concentration nécessaires pour achever un projet. »
Vers un roman initiatique :
En 2021, elle participe à l’atelier d’écriture Le Pupitre, où elle écrit la nouvelle Rayane, centrée sur un personnage androgyne. L’expérience est décisive : « Les retours positifs m’ont poussée à affiner mon style et à envisager des projets plus ambitieux. »
Aujourd’hui, elle travaille sur un roman intitulé Ténéré. « C’est l’histoire d’une femme qui traverse le désert jusqu’à Tamanrasset. Son voyage devient une quête à travers le temps et les mythes du Sahara. »
Avec Mille et une peur, Houneïda Hideche signe une entrée remarquée dans le paysage littéraire algérien. En explorant les multiples visages de la peur, elle invite le lecteur à affronter ses propres ténèbres — avec curiosité, émotion et un soupçon de frisson.
