Mohamed Magani : un séjour littéraire en Rhénanie, entre mémoire et exil
L’écrivain algérien Mohamed Magani signe un nouveau livre sensible et introspectif intitulé « Journal de la maison Heinrich Böll », paru aux éditions Chihab. Dans cet ouvrage de 86 pages, l’auteur revient sur son séjour d’écriture en Allemagne, à la Böll Haus de Langenbroich, la résidence du prix Nobel de littérature Heinrich Böll.
Entre réflexions sur la littérature, la mémoire et l’exil, Magani offre un texte intime, à mi-chemin entre le journal et l’essai, empreint d’une mélancolie douce et d’un profond humanisme.
Une expérience d’écriture entre deux mondes
Invité à séjourner à la maison Heinrich Böll de juillet à octobre 2002, Mohamed Magani – écrivain plutôt anglophone, auteur de dix-huit ouvrages depuis « La faille du ciel » (1983) – s’est immergé dans un lieu chargé d’histoire. Avant lui, la résidence avait accueilli d’autres artistes algériens tels qu’Abderrahmane Bouguermouh et Abdelhamid Laghouati.
Le livre restitue l’atmosphère feutrée de cette maison allemande, entre promenades dans les vergers, repas partagés avec des artistes venus de Roumanie, d’Inde ou de Serbie, et longues méditations sur la vocation de l’écriture. L’auteur y décrit, avec pudeur, les émotions et pensées qui l’ont traversé au cours de ce séjour solitaire, ponctué de souvenirs d’enfance à El Attaf, dans la vallée du Chéliff.
Un journal plutôt qu’un récit
Magani refuse de qualifier ce texte de « récit » : il lui préfère le mot « journal », qu’il distingue de l’autobiographie. Ce journal n’est pas un exercice d’égocentrisme, mais une quête intérieure, un dialogue silencieux avec la littérature et ses maîtres. L’auteur regrette d’ailleurs que le genre du journal de voyage reste marginal en Algérie, contrairement à la tradition britannique où il a longtemps vécu.
Dialogue posthume avec Heinrich Böll
Tout au long du livre, Magani tisse un dialogue imaginaire avec Heinrich Böll, prix Nobel de littérature en 1972 et figure majeure de la conscience allemande d’après-guerre. À travers des lettres fictives, il interroge la responsabilité morale de l’écrivain face à la violence et à la ruine du monde.
Böll évoquait une « littérature des ruines » ; Magani y répond par une « littérature des cendres », qui, selon lui, « donne à comprendre, voir et sentir au travers de l’entendement alliant cœur et esprit ».
La table, symbole de fidélité à l’écriture
L’un des passages les plus émouvants du livre évoque la table d’écriture, motif cher à Böll comme à Magani. L’écrivain algérien y voit un lien affectif et spirituel : celle de Böll, évoquée dans son discours de Stockholm, rappelait son frère disparu ; celle de Magani symbolise, pour sa part, la fidélité à la création dans une famille où l’écriture n’était pas une tradition.
Entre nostalgie et lucidit
À travers ce court séjour en Rhénanie, Mohamed Magani livre un texte profondément humain, où le quotidien, la mémoire et la littérature se répondent. « Journal de la maison Heinrich Böll » n’est pas seulement une évocation d’un lieu ou d’une époque : c’est une méditation sur l’exil, la solitude et la persistance de l’écriture comme acte de résistance à l’oubli.
