Incidents de paiements : le chèque recule en volume mais grimpe en valeur, les paiements électroniques gagnent du terrain
La Banque d’Algérie (BA) a dévoilé son rapport annuel portant sur l’exercice 2024, mettant en lumière les tendances observées en matière d’incidents de paiements, notamment ceux liés à l’utilisation du chèque. Si le nombre total d’incidents a légèrement baissé, la valeur globale des chèques rejetés, elle, a connu une hausse significative. Parallèlement, les instruments de paiement électroniques s’imposent de plus en plus dans les habitudes des usagers.
Moins de chèques rejetés… mais pour des montants plus élevés
Selon les données de la Banque d’Algérie, l’année 2024 a enregistré 41.328 chèques rejetés pour cause d’absence ou d’insuffisance de provision, soit une baisse de 1,79 % en volume par rapport à l’année précédente. Cependant, la valeur totale de ces chèques s’est élevée à 107,43 milliards de dinars, contre 101,49 milliards de dinars en 2023, traduisant une hausse de 5,85 %.
Ce paradoxe — moins d’incidents mais des montants plus importants — s’explique en partie par le fait que 75 % des chèques rejetés concernent des montants supérieurs à 50.000 dinars. Le phénomène continue donc de toucher particulièrement les transactions de grande valeur, dans un contexte où le chèque reste encore utilisé pour certaines opérations significatives.
Le secteur privé en première ligne
Le rapport de la Banque d’Algérie révèle que le secteur privé est à l’origine de 88,27 % des incidents de paiements recensés, soit 36.479 cas, contre 11,73 % pour le secteur public, soit 4.849 cas. Cela englobe aussi bien les particuliers que les professionnels et les entreprises privées.
Ce déséquilibre illustre la forte exposition des opérateurs privés aux risques de trésorerie ou aux difficultés de gestion des flux financiers, et souligne la nécessité d’un encadrement renforcé autour de l’émission de chèques dans ce secteur.
Hausse des interdictions de chéquiers
Autre indicateur révélateur, le nombre d’interdictions de chéquiers prononcées en 2024 par les banques, les services d’Algérie Poste et le Trésor public a connu une progression de 5,71 %, passant de 12.660 cas fin 2023 à 13.383 cas à fin 2024. Ce mécanisme, prévu par la réglementation pour sanctionner les émetteurs de chèques sans provision, continue de jouer un rôle de dissuasion et de régulation.
Le rapport précise que 304 interdictions ont été levées ou annulées au cours de la même année, contre 292 cas en 2023, ce qui représente une augmentation de 4,11 %. Ces levées traduisent soit une régularisation des situations, soit la reconnaissance de situations litigieuses ou mal interprétées initialement.
Un taux de déclaration élevé et un contrôle renforcé
La Banque centrale indique que le taux de déclaration des incidents de paiements à la centrale des impayés reste élevé. En 2024, 44.790 chèques ont été rejetés en télécompensation pour défaut de provision, avec un taux de déclaration de 92,27 % à la centrale. Cette efficacité du système de télé-compensation interbancaire des paiements de masse (ATCI) contribue à une meilleure prévention des risques et à un renforcement du contrôle au sein du système financier.
La Banque d’Algérie rappelle que les fichiers relatifs aux incidents de paiement et aux interdictions de chéquiers constituent une pièce maîtresse du dispositif de prévention contre les abus dans l’usage du chèque. Avant toute délivrance de carnet de chèques, les établissements financiers sont tenus de consulter ces bases de données.
Vers la fin progressive du chèque comme moyen de paiement dominant
Le chèque, bien que toujours utilisé pour certains types de transactions, voit progressivement son rôle s’effacer au profit des moyens de paiement électroniques, plus rapides, sécurisés et adaptés aux nouvelles habitudes de consommation.
Sur les deux dernières années, les virements et paiements par cartes se sont imposés en volume sur le marché des paiements en Algérie. À l’inverse, les moyens de paiement classiques tels que les chèques ou les effets de commerce affichent une baisse continue de leur utilisation.
Une percée notable du paiement mobile
L’un des faits les plus marquants de l’exercice 2024 est la forte progression des paiements via mobile, autorisés en intra-bancaire. La Banque d’Algérie fait état de 58 millions de transactions effectuées, pour une valeur globale de 43,6 milliards de dinars. Cette dynamique constitue, selon la BA, une prémisse encourageante pour le développement des paiements électroniques dans le pays.
Cette tendance s’inscrit dans la stratégie nationale de digitalisation des services financiers et de réduction de la circulation du cash, en cohérence avec les objectifs de transparence économique et de lutte contre l’informel.
En conclusion, le rapport 2024 de la Banque d’Algérie met en évidence une évolution notable dans les comportements de paiement : une baisse quantitative mais une hausse qualitative des incidents de chèques, une montée en puissance des paiements électroniques et un renforcement des mécanismes de contrôle. Dans ce contexte, le chèque semble lentement céder sa place à des solutions plus modernes, marquant une transition progressive vers une économie numérisée.
