Lutte contre le blanchiment d’argent : l’Algérie renforce son arsenal par une nouvelle convention entre la DGSN et la CTRF
L’Algérie vient de franchir un pas stratégique dans sa lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme, avec la signature, hier, d’un accord de coopération entre la Direction générale de la Sûreté nationale (DGSN) et la Cellule de traitement du renseignement financier (CTRF), relevant du ministère des Finances. Ce partenariat, officialisé par le DGSN Ali Badaoui et le président de la CTRF Mohamed Saoudia, marque une avancée majeure dans la structuration du dispositif national de lutte contre les flux financiers illicites.
Une coopération renforcée au service de l’efficacité
Selon le communiqué publié à l’issue de la signature, la convention a pour objectif de fluidifier et sécuriser l’échange d’informations sensibles concernant le blanchiment d’argent, le financement du terrorisme et la prolifération des armes de destruction massive. Elle prévoit la mise en place d’un mécanisme opérationnel d’échange rapide d’informations, tout en garantissant un haut niveau de confidentialité dans la transmission des données entre les deux institutions.
L’accord porte également sur la conduite d’enquêtes financières parallèles, l’exploitation des canaux de coopération internationale existants, et la levée des obstacles administratifs ou juridiques qui freinent la traque des réseaux criminels opérant à travers les circuits financiers.
Formation, expertise et planification commune
Au-delà du partage d’informations, l’accord introduit une dynamique de formation croisée et de renforcement mutuel des compétences. Un programme de travail annuel commun sera mis en œuvre, avec des actions ciblées de formation, d’échanges d’expertise, et de coordination stratégique, en réponse à la complexité croissante des crimes financiers transnationaux.
« La mise en œuvre de cette convention aura un impact direct sur l’efficacité des investigations, en dotant nos équipes des outils adaptés aux nouvelles formes de criminalité économique », a déclaré le DGSN Ali Badaoui. Il a également rappelé que les enquêtes menées par les services de sûreté ont permis, ces dernières années, de démanteler plusieurs réseaux criminels et de saisir des avoirs illicites considérables, incluant biens immobiliers, bijoux, véhicules de luxe et comptes bancaires en dinars et en devises.
Un engagement conforme aux standards internationaux
Pour sa part, Mohamed Saoudia, président de la CTRF, a souligné la dimension stratégique de cette convention, affirmant qu’elle représente « un jalon essentiel dans la consolidation du système national de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme ».
Il a également précisé que cet accord s’inscrit dans le cadre des engagements internationaux de l’Algérie, notamment vis-à-vis des recommandations du Groupe d’action financière (GAFI). À l’approche du troisième cycle d’évaluation mutuelle mené par le Menafatf (le GAFI pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord), l’Algérie entend démontrer la solidité de ses dispositifs de contrôle et de coordination interinstitutionnelle.
Une stratégie nationale en cours de déploiement
La signature de cette convention s’insère dans un cadre juridique et institutionnel déjà renforcé. L’Algérie a adopté, le 24 juillet 2025, la loi n°25-10, qui renforce la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, et a mis en place un Comité national d’évaluation des risques. La CTRF a vu ses prérogatives élargies, notamment en matière de coordination et de centralisation de l’information financière sensible.
Ces mesures répondent aux exigences du GAFI, qui recommande aux États de renforcer la coopération entre les institutions publiques, mais aussi avec le secteur privé, afin de détecter les flux suspects et d’agir rapidement pour bloquer les circuits de blanchiment.
L’Algérie, qui s’est positionnée ces dernières années comme un acteur majeur de la lutte contre le terrorisme au niveau régional et international, semble désormais déterminée à bâtir un système financier résilient, à la hauteur des menaces actuelles.
Des résultats tangibles, mais un combat permanent
Les chiffres sur les avoirs criminels saisis témoignent d’une amélioration tangible des capacités d’enquête. Cependant, les autorités reconnaissent que le défi reste de taille : les réseaux criminels redoublent d’ingéniosité pour dissimuler l’origine de leurs revenus, réinjectés dans l’économie réelle via des montages complexes.
C’est précisément pour anticiper cette sophistication que la DGSN et la CTRF ont jugé nécessaire de renforcer leur coopération, afin de construire un front uni contre les crimes financiers. L’accord signé constitue donc un instrument de consolidation des acquis, mais aussi un levier d’anticipation des menaces futures.
Un signal fort à l’international
Cette convention intervient dans un contexte de surveillance accrue des systèmes financiers à l’échelle mondiale, et envoie un signal clair aux partenaires internationaux quant à l’engagement de l’Algérie à maintenir un environnement financier transparent et conforme aux normes.
Alors que le pays se prépare à être réévalué par le Menafatf, la coopération renforcée entre les services de sécurité et les organes financiers spécialisés apparaît comme un atout majeur pour crédibiliser le système algérien et gagner en reconnaissance sur la scène internationale.
En somme, l’Algérie adopte une posture proactive, misant sur la synergie institutionnelle, la formation, la transparence et la technologie pour faire barrage aux flux financiers illicites et aux crimes qui les alimentent. Un choix stratégique et nécessaire à l’heure où les menaces deviennent de plus en plus invisibles, mais non moins réelles.
