À Jijel, l’État transforme une ruine économique en symbole de souveraineté industrielle
C’est un message fort, porteur d’espoir et de fierté nationale, que le Premier ministre Sifi Ghrieb a adressé à l’opinion publique lors de l’inauguration du complexe agro-industriel Kotama Agrifood, dans la wilaya de Jijel. Un projet autrefois miné par les dérives de gestion et la corruption, aujourd’hui transformé en modèle de redressement et de réussite économique.
Un projet sauvé d’un naufrage financier
En marge de la cérémonie, le Premier ministre est revenu en détail sur l’historique de ce complexe de trituration de graines oléagineuses, rappelant qu’à son lancement, le taux de réalisation ne dépassait pas les 20 %, alors que plus de 69 % des financements avaient déjà été transférés à l’étranger. Une situation qu’il a qualifiée de « preuve flagrante de l’ampleur du pillage » ayant sévi dans plusieurs projets industriels du pays.
Face à cette dérive, la réponse des autorités a été décisive : récupérer les projets confisqués, assainir leur gestion et les remettre entre les mains de compétences nationales. « Nous avons repris ce projet dans un état critique, mais avec détermination et patriotisme, nous en avons fait un exemple de réussite », a affirmé le chef du gouvernement.
Des économies massives grâce aux compétences locales
L’un des éléments les plus marquants de l’intervention du Premier ministre réside dans la présentation des chiffres. Réalisé entièrement par des cadres algériens, le redémarrage du complexe a permis d’économiser entre 7 et 8 millions de dollars au Trésor public.
« Un bureau d’études étranger nous avait proposé une prestation à 6 millions de dollars. Nos ingénieurs l’ont accomplie avec brio, en ne percevant que leurs salaires », a-t-il souligné. Un autre exemple édifiant concerne une étude technique facturée à 1 million de dollars par un cabinet étranger, alors qu’une start-up algérienne l’a réalisée pour seulement 6 millions de dinars.
Ce contraste illustre, selon lui, « la valeur du génie algérien » qui, avec les moyens du bord, a réussi là où d’importants budgets avaient été dilapidés sans résultat concret.
Une fierté retrouvée et un message d’avenir
Au-delà des résultats économiques, M. Ghrieb a insisté sur la portée humaine et morale de cette réussite. « Ce que nous avons récupéré aujourd’hui a permis au cadre algérien de regagner confiance en lui. Et cela est fondamental », a-t-il déclaré. Il a salué l’engagement des ingénieurs et techniciens, « dignes héritiers de l’école algérienne », qui ont su relever un défi technique de grande envergure, en l’absence même d’études préalables complètes.
Le Premier ministre a tiré une conclusion forte : « Il existe un génie algérien. Il faut lui faire confiance. Nous avons donné cette chance, et ils ne nous ont pas déçus. »
Un levier stratégique pour la souveraineté alimentaire
Le complexe Kotama Agrifood n’est pas seulement un projet industriel. Il s’inscrit dans une vision stratégique de renforcement de la souveraineté alimentaire du pays. S’étendant sur 25 hectares, il comprend plusieurs unités : trituration de graines oléagineuses, extraction d’huiles, stockage du soja et du produit fini.
Avec une capacité de traitement de 5 000 tonnes par jour, l’usine pourra produire chaque année 36 000 tonnes d’huile végétale brute et 100 000 tonnes de tourteau destiné à l’alimentation animale. Ces volumes permettront à l’Algérie de couvrir jusqu’à 40 % de ses besoins en huiles végétales brutes, et 60 % de ses besoins en tourteaux, réduisant ainsi sa dépendance aux importations.
Une vision intégrée pour l’agriculture et l’industrie
Le projet s’inscrit dans une stratégie plus large de développement des filières agricoles locales. Un programme national de culture du tournesol et du colza est en cours pour approvisionner les unités de transformation comme Kotama Agrifood avec des matières premières locales.
Cette approche intégrée, liant agriculture et industrie, marque une nouvelle étape dans la politique de souveraineté productive portée par le gouvernement. Le complexe, aujourd’hui géré par Madar Holding, est le fruit d’une volonté de relancer les projets gelés ou confisqués et de les transformer en moteurs du développement.
Un modèle à généraliser
L’inauguration du complexe de Jijel ne marque pas une fin, mais le début d’un modèle que les autorités entendent généraliser à travers le pays. Il s’agit d’un exemple concret de gestion vertueuse, où la compétence nationale, soutenue par une vision politique claire, permet d’atteindre des résultats tangibles.
« Ce que nous avons accompli ici doit nous inspirer partout ailleurs », a conclu le Premier ministre. Un message de confiance, mais aussi un appel à poursuivre dans cette voie de rigueur, d’innovation et de souveraineté retrouvée.
