Les États-Unis et le Canal de Panama : un enjeu géopolitique majeur dans la guerre économique contre la Chine
Par : Amani H.
Alors que l’attention internationale est habituellement captée par des zones de tensions bien établies, comme Taïwan ou le Moyen-Orient, un nouveau théâtre de confrontation pourrait bien émerger en plein cœur de l’Amérique centrale : le Panama. La gestion du canal de Panama, une voie stratégique reliant les océans Atlantique et Pacifique, est désormais au centre d’une intense bataille géopolitique, où les États-Unis, sous l’impulsion de leur secrétaire d’État Marco Rubio, défient ouvertement l’influence croissante de la Chine dans cette région clé.
Le ton est monté ce dimanche, lorsque Marco Rubio a lancé des menaces publiques contre le Panama, menaçant le pays de « mesures » si des « changements immédiats » n’étaient pas apportés concernant l’influence chinoise sur le canal. Ce canal, longtemps considéré comme un bien stratégique, est désormais un point de friction dans la guerre économique menée par les États-Unis contre la Chine. Selon la diplomatie américaine, la présence de Pékin autour de cette infrastructure, notamment dans le cadre du projet des Nouvelles routes de la soie, représente une menace pour la sécurité des États-Unis et la neutralité de cette voie navigable.
La diplomatie américaine sous pression
Dès l’investiture de Donald Trump, le 20 janvier dernier, le ton a été donné. Le président américain a exprimé clairement son désir de « reprendre » le contrôle du canal de Panama, afin de limiter l’influence chinoise, qu’il considère comme un affront aux intérêts stratégiques des États-Unis. Lors de ses échanges avec le président panaméen, José Raul Mulino, Rubio a souligné que « la position actuelle d’influence et de contrôle du Parti communiste chinois sur la zone du canal constitue une menace pour le canal et une violation du traité de neutralité ».
Le secrétaire d’État a ensuite précisé que si cette situation perdurait, les États-Unis seraient contraints de prendre « les mesures nécessaires » pour protéger leurs droits inscrits dans le traité de neutralité du canal, un accord datant de 1977 entre les présidents Jimmy Carter (États-Unis) et Omar Torrijos (Panama). Ce traité, qui stipule que le canal doit rester ouvert à tous les pays en temps de paix et de guerre, est considéré par Washington comme un pilier de sa sécurité maritime. Selon la porte-parole du Département d’État, Tammy Bruce, ce contrôle par la Chine « menace la sécurité régionale et pourrait bouleverser l’équilibre géopolitique mondial ».
Panama entre coopération et pression américaine
Face à cette pression, le président panaméen José Raul Mulino a tenté de calmer le jeu en annonçant que son pays ne renouvellerait pas le mémorandum d’accord signé en 2017 avec la Chine, qui avait permis au Panama de rejoindre l’initiative des « Nouvelles routes de la soie » (BRI – Belt and Road Initiative). Ce projet d’infrastructures mondiales mené par Pékin a suscité une vive inquiétude dans plusieurs capitales occidentales, qui y voient un moyen pour la Chine d’étendre son influence stratégique et économique à l’échelle mondiale.
Cependant, Mulino a également proposé des discussions « techniques » avec les États-Unis pour aborder leurs préoccupations, tout en précisant qu’il ne croyait pas à une menace immédiate d’interventions militaires. « Je n’ai pas l’impression qu’il y ait une menace réelle contre le traité ou que l’usage de la force militaire soit envisagé pour prendre le contrôle du canal », a-t-il affirmé, cherchant à apaiser les tensions entre les deux nations.
Une menace stratégique ?
L’importance stratégique du canal de Panama ne peut être sous-estimée. Depuis son ouverture en 1914, il constitue un axe majeur pour le commerce mondial, facilitant le transit de près de 40 % du trafic de conteneurs américain. Pour les États-Unis, sa sécurisation est primordiale, d’autant plus que la Chine multiplie ses investissements dans la région. Pékin a déjà accordé des prêts importants pour financer des projets d’infrastructures en Amérique centrale et en Amérique du Sud, y compris dans des pays proches du Panama, ce qui a alimenté les craintes américaines.
Le risque, selon Washington, est qu’en cas de conflit entre les États-Unis et la Chine, Pékin pourrait utiliser sa position dans la région pour perturber l’accès à cette voie maritime vitale. L’influence chinoise grandissante à Panama pourrait ainsi s’apparenter à une forme de « domination stratégique », une réalité géopolitique que les États-Unis ne peuvent ignorer.
Un bras de fer géopolitique
La situation est complexe. D’un côté, le Panama, qui est un pays souverain, cherche à maintenir des relations équilibrées avec toutes les grandes puissances économiques, tout en cherchant à maximiser ses avantages économiques. De l’autre, les États-Unis, traditionnellement perçus comme la principale puissance dominante dans les Amériques, considèrent cette influence chinoise comme un affront direct à leur hégémonie et une menace potentielle à leur sécurité nationale.
La question du canal de Panama va bien au-delà des enjeux économiques. Elle soulève des problématiques de souveraineté, de sécurité régionale et de rapports de force mondiaux, avec des implications pour l’équilibre des puissances dans l’hémisphère occidental. Le Panama, malgré sa taille modeste, se retrouve au centre d’un bras de fer géopolitique entre deux superpuissances, chacune cherchant à imposer sa vision du monde.
Les mois à venir pourraient bien être déterminants pour l’avenir de cette petite nation d’Amérique centrale, dont la position stratégique pourrait changer la donne dans la guerre économique entre la Chine et les États-Unis.