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Paris envisage une révision unilatérale des accords migratoires de 1968 avec l’Algérie

Les relations entre la France et l’Algérie connaissent une nouvelle phase de tension. Des déclarations récentes du ministre français de l’Intérieur, Laurent Nuñez, laissent apparaître un durcissement notable du discours officiel de Paris à l’égard d’Alger, marquant une rupture avec la ligne d’apaisement qu’il défendait depuis son arrivée place Beauvau il y a près de deux mois.

Dans un entretien accordé au journal Le Journal du Dimanche, publié dimanche, le ministre a affirmé que des « discussions sérieuses » étaient en cours avec les autorités algériennes, tout en adoptant un ton plus ferme. Interrogé sur la priorité à accorder au dialogue par rapport à une position plus coercitive, Laurent Nuñez a déclaré : « Nous pouvons être fermes dans le dialogue », soulignant que Paris maintenait des échanges soutenus avec Alger.

Le dossier sensible des expulsions

Le ministre de l’Intérieur a toutefois reproché aux autorités algériennes leur manque de coopération concernant la reprise des expulsions de ressortissants algériens faisant l’objet d’obligations de quitter le territoire français (OQTF). « Pas encore », a-t-il répondu à propos d’un éventuel accord, précisant que les discussions se poursuivaient sur des aspects techniques et procéduraux. L’objectif affiché par Paris est de rétablir des flux d’éloignement « réguliers et durables », et non des opérations ponctuelles.

Cette position contraste avec celle d’Alger, qui insiste sur le strict respect des procédures consulaires encadrant les expulsions. Des exigences que les autorités algériennes estiment avoir été contournées par le précédent ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau, provoquant un refus de coopération et une crispation diplomatique.

Vers une remise en cause des accords de 1968

La principale annonce du ministre français concerne cependant la possible révision des accords franco-algériens de 1968 relatifs à l’immigration. Laurent Nuñez a révélé que la France travaillait à une réévaluation de ces accords « conformément aux instructions du président de la République et du Premier ministre », évoquant une démarche menée parallèlement aux discussions en cours avec Alger.

Cette initiative, présentée comme visant à dégager des « positions communes », intervient dans un contexte diplomatique dégradé, marqué notamment par l’absence d’ambassadeurs en poste. Depuis avril dernier, la France ne dispose plus d’ambassadeur à Alger, après le départ contraint de Stéphane Romatet, à la suite de l’expulsion par l’Algérie de douze agents consulaires français dans le cadre du principe de réciprocité.

Jusqu’ici, le président Emmanuel Macron s’était pourtant montré réticent à toute remise en cause unilatérale de ces accords, malgré les pressions répétées de responsables politiques français, dont Bruno Retailleau et l’ancien Premier ministre François Bayrou.

Une rhétorique plus dure

Laurent Nuñez a adopté une rhétorique particulièrement ferme en affirmant que « la partie algérienne doit accepter les conditions que nous posons », estimant que la question relevait directement de la sécurité nationale française. Il a assuré que cette fermeté n’était « pas incompatible avec le respect mutuel », ajoutant que ce dossier devrait connaître une issue « dans les semaines à venir ».

Ces propos traduisent un changement sensible de ton par rapport aux déclarations faites lors de sa prise de fonctions, lorsqu’il s’était démarqué de la ligne dure de son prédécesseur et avait évoqué une prochaine visite officielle en Algérie. Une visite qui, à ce jour, n’a toujours pas eu lieu.

Une visite toujours en suspens

Le ministre n’a d’ailleurs fait aucune mention de ce déplacement, alimentant les interrogations sur son devenir. Fin novembre, la secrétaire générale du ministère français des Affaires étrangères, Anne-Marie Descôtes, s’était rendue à Alger, sans qu’aucune information n’ait filtré sur les résultats de cette mission. Des observateurs estiment que cette visite n’a pas permis de créer les conditions favorables à un rapprochement, ni de préparer le terrain à une visite de Laurent Nuñez.

Dans ce climat tendu, la perspective d’un apaisement rapide entre Paris et Alger semble, pour l’heure, incertaine.

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