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À Timimoun, Mr Macaroni appelle à libérer les imaginaires africains

Invité d’honneur de la première édition du Festival international du court-métrage de Timimoun, la star nigériane des réseaux sociaux Adebowale « Debo » Adedayo, plus connue sous le nom de Mr Macaroni, a offert avant-hier une masterclass dense et passionnée où se sont entremêlées réflexion artistique, engagement citoyen et plaidoyer pour une renaissance culturelle africaine.

Avec plus de six millions d’abonnés sur TikTok et Instagram, l’acteur, réalisateur, producteur et créateur de contenu s’est imposé, ces dernières années, comme l’une des voix les plus influentes du Nigeria. À Timimoun, il a choisi de dépasser son image humoristique pour ouvrir un espace de réflexion sur l’avenir des industries culturelles africaines et les transformations qu’elles appellent.

L’artiste, miroir et conscience de la société

Dès les premières minutes de son intervention, Mr Macaroni a insisté sur la responsabilité sociale des artistes. « Les artistes sont le reflet de leur société », a-t-il rappelé, soulignant que toute démarche créative reste enracinée dans un contexte politique, économique et culturel. Même le divertissement, affirme-t-il, « demeure un geste lié aux préoccupations du quotidien ».

Pour lui, les créateurs doivent s’emparer des réalités du continent pour questionner, dénoncer et améliorer l’existence des populations. Ses propres œuvres, souvent teintées de satire sociale, illustrent cette posture engagée qui fait de l’artiste un acteur du changement.

Raconter le continent avec ses propres mots

Point central de sa masterclass : la nécessité pour les Africains de reprendre en main leurs récits. Il appelle à rompre avec les visions héritées du regard occidental et à reconstruire une perception de soi fondée sur la singularité du continent. « Il faut se voir avec nos propres yeux », a-t-il insisté.

Selon lui, l’affirmation identitaire précède toute ambition internationale. Produire pour le monde n’a de sens que si l’on assume pleinement ses réalités, ses contradictions et sa diversité culturelle. Cette reconquête passe par une immersion réelle dans les sociétés africaines. « Vivre en Afrique », dit-il, est essentiel pour comprendre ses tensions, ses aspirations et ses dynamiques.

L’artiste comme acteur public

Pour Mr Macaroni, la création artistique n’est jamais isolée : elle est un engagement envers une communauté. L’artiste n’est pas un simple agent du divertissement, mais un penseur capable de proposer des pistes de solutions. « Tout est politique », rappelle-t-il, estimant que le champ culturel est traversé par des enjeux de pouvoir et de représentation auxquels les créateurs doivent se confronter.

Technologies, Nollywood et les défis de l’industrie

Évoquant l’évolution des technologies, il a salué les outils numériques qui permettent aujourd’hui aux artistes africains de produire et de diffuser leurs œuvres de manière plus autonome. Ces mutations ont profondément transformé Nollywood, désormais porté par une génération de réalisateurs audacieux bénéficiant d’un public fidèle. Au Nigeria, souligne-t-il, la simple mention d’un réalisateur suffit parfois à remplir une salle.

Il a toutefois pointé les contradictions liées aux plateformes de streaming, qui renforcent la visibilité des films tout en fragilisant les salles de cinéma. La distribution, bien qu’en progrès, demeure selon lui insuffisante.

Le financement, autre défi majeur, reste un frein à une production ambitieuse. Revenant sur son premier film réalisé en 2017, il a évoqué les difficultés rencontrées et expliqué s’appuyer principalement sur ses revenus d’acteur et de créateur de contenu. S’il reconnaît l’existence d’investisseurs privés, il dit n’avoir jamais sollicité les financements publics, estimant que dépendre de l’État ou d’un sponsor « limite la liberté de création ».

Une vocation née de l’enfance

L’artiste a également partagé ses débuts, révélant qu’enfant, il imitait déjà les comédiens qu’il voyait à la télévision. Si le désir de divertir l’a d’abord guidé, il a rapidement pris conscience « du pouvoir de l’artiste et de sa capacité à changer les choses ». Pour lui, l’art peut à la fois divertir et éveiller les consciences.

Un appel à une renaissance culturelle africaine

À Timimoun, la parole de Mr Macaroni résonne comme une invitation à valoriser les imaginaires africains et à bâtir des industries culturelles capables de raconter le continent sans filtres. Au cœur d’un festival qui promeut le dialogue et la collaboration entre créateurs africains, son message s’impose comme un plaidoyer pour une autonomie narrative et une affirmation collective.

Son intervention, empreinte de lucidité et d’enthousiasme, laisse l’impression qu’un mouvement se construit : celui d’un continent qui aspire à reprendre possession de ses récits, à créer autrement et à projeter au monde sa propre vision.

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