Festival du court-métrage de Timimoun : une compétition nationale marquée par la quête de sens
La première édition du Festival international du court-métrage de Timimoun, qui se poursuit jusqu’au 18 novembre, a consacré la journée de vendredi à la projection de cinq films en lice pour la compétition nationale. Dans la salle Malek-Bennabi, le public a découvert une palette d’univers et de sensibilités qui témoignent de la vitalité de la jeune création algérienne : mémoire cinéphile, héritage musical, quête identitaire, fragilité psychologique… autant de pistes empruntées par des réalisateurs désireux de raconter, d’interroger et de transmettre.
Boualem Boukhoufan, gardien du cinéma algérien
Moment fort de la séance, le documentaire Boualem a tout entendu de Khaled Bounab et Aziz Boukrnouni rend hommage à Boualem Boukhoufan, figure discrète mais essentielle de la Cinémathèque d’Alger, où il a travaillé plus de trente ans. Le film brosse le portrait pudique d’un homme dont le handicap auditif n’a jamais entamé la présence attentive. À travers des archives, des photographies et des extraits de films cultes — Les Vacances de l’Inspecteur Tahar ou Le Repenti —, les réalisateurs ressuscitent un lieu qui fut autant un espace de refuge qu’un bastion de résistance culturelle, notamment durant la décennie noire. Boualem, disparu en 2020, apparaît comme un passeur silencieux, témoin d’une époque où le cinéma rassemblait et protégeait.
« Lila » : un diwan esquissé mais inabouti
Avec Lila, Azzedine Wahbi ambitionne une immersion dans l’univers mystique du diwan, rituel où musique, parole et transe œuvrent à la guérison. Le film, porté par de belles images et des atmosphères enveloppantes, promet cette plongée mais peine à la concrétiser. Les témoignages, parfois approximatifs, restent en surface et la dimension historique ou spirituelle du rituel manque de profondeur. L’apparition de l’artiste Hafid Bidari, « Koyo Bongo », n’est qu’effleurée, laissant en suspens un potentiel narratif important. Le film ouvre ainsi une porte sur un vaste territoire culturel sans réellement y entrer.
Errance intime dans « Clef du sol »
Dans Clef du sol d’Allia Louiza Belamri, Wassim, musicien et sociologue de formation, incarne le malaise d’une jeunesse en quête de place et de souffle. Attaché à Alger mais incapable d’y trouver son ancrage, il avance entre lucidité et désorientation. La caméra saisit ces tiraillements avec sincérité, transformant le film en chronique douce-amère d’une génération qui oscille entre désir de créer et sentiment d’étouffement. La musique devient alors refuge autant que miroir d’un présent incertain.
« El Briya » : le poids des non-dits
Plus intimiste, El Briya de Mourad Guechoud s’attache à une femme qui cache à son mari une nouvelle qu’elle n’arrive pas à affronter. Le film explore la destruction progressive qu’entraîne le silence au sein du couple. Malgré une trame relativement prévisible et une tension qui s’affaiblit en cours de route, la justesse des acteurs et la mise en scène resserrée confèrent à l’ensemble une densité émotionnelle réelle. L’héroïne révèle, à travers ses hésitations, la solitude de ceux qui n’arrivent pas à formuler leur douleur.
« Inconnu » : une plongée nerveuse dans l’angoisse
D’une efficacité remarquable, Inconnu d’Ahmed Zitouni s’impose comme la proposition la plus aboutie de la sélection. En treize minutes, le film suit Salima, artiste indépendante, dont la soirée bascule lorsqu’elle trouve un téléphone perdu. Une voix l’appelle, puis d’autres, toutes exigeant qu’elle rende l’objet. La mise en scène, minimaliste mais très maîtrisée, installe une tension croissante qui confine au thriller psychologique. L’œuvre interroge la fragilité mentale et la manière dont un simple incident peut fissurer les certitudes. Un court-métrage dense, claustrophobe, dont l’atmosphère demeure longtemps après la projection.
Un cinéma jeune, sincère et en quête de nouveaux récits
À travers ces cinq films, la compétition nationale dessine un panorama riche et contrasté de la création algérienne contemporaine. Ces œuvres, parfois imparfaites mais profondément habitées, témoignent d’un cinéma qui interroge son époque, ses mémoires et ses blessures, et qui cherche à renouveler les formes du récit. Une première sélection prometteuse, qui révèle un désir authentique de raconter le monde et d’offrir, par l’image, des espaces de réflexion et d’émotion.
