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Chiens errants en Algérie : entre menace croissante et appel à des solutions humaines

La récente tragédie de la petite Tasnîm, âgée de trois ans, dévorée par une meute de chiens errants dans la wilaya de M’sila, a profondément choqué l’opinion publique algérienne. Ce drame n’est pas isolé : plusieurs régions du pays enregistrent une augmentation inquiétante du nombre de chiens errants, au point de devenir un véritable danger public, notamment pour les enfants, les personnes âgées, et la santé collective avec le risque de transmission de maladies comme la rage.


Entre indignation et revendications

En parallèle des alertes sécuritaires, des vidéos montrant des scènes d’extermination brutale de chiens errants ont largement circulé sur les réseaux sociaux, provoquant une indignation croissante. Le recours à des pratiques violentes — comme la « قالوفة », méthode barbare de mise à mort impliquant électrocution et incinération — a déclenché une vague de protestations.

Des activistes et citoyens engagés ont lancé le hashtag #أوقفوا_القالوفة (Stop au galoufa), exigeant l’arrêt de ces méthodes qu’ils qualifient de cruelles et inefficaces.


Un dilemme de société : sécurité ou compassion ?

Malgré les dangers réels posés par certains chiens errants, de nombreux experts appellent à une gestion plus humaine et plus scientifique de cette problématique. Car si l’éradication massive semble être une solution rapide, elle ne s’attaque pas aux causes structurelles du phénomène — pire, elle peut aggraver le problème en perturbant l’équilibre territorial des meutes.

Selon l’Organisation mondiale de protection animale, le programme TNR (Trap – Neuter – Return / Capture – Stérilisation – Relâchement) est l’une des stratégies les plus efficaces adoptées dans de nombreux pays. Il consiste à capturer les chiens errants, les stériliser, puis les relâcher dans leur environnement s’ils ne présentent pas de danger. Cette méthode :

  • réduit progressivement la population canine,
  • stabilise le comportement des meutes (moins d’agressivité),
  • et évite les souffrances inutiles.

Des refuges, pas des fosses communes

Parallèlement, la création de refuges spécialisés pour les animaux malades, agressifs ou blessés permettrait d’assurer une prise en charge adaptée et d’éviter les risques tout en respectant le bien-être animal.

Il est également crucial de sensibiliser les citoyens, notamment sur les gestes qui favorisent la prolifération de ces animaux : comme le jet anarchique de déchets organiques, ou encore le laissé-aller des enfants au contact d’animaux errants. À M’sila, des habitants ont pointé une décharge sauvage près de la zone de résidence de Tasnîm, comme cause de la présence massive de chiens.


La rage tue encore… faute de prévention

La rage reste une maladie virale mortelle, qui cause en Algérie environ 15 décès par an, selon les données officielles. La négligence des vaccinations chez les animaux de compagnie et le contact non contrôlé avec les chiens errants restent les principaux vecteurs d’infection.

En septembre dernier, deux enfants ont succombé à la rage à Oum El Bouaghi malgré une prise en charge médicale, soulignant l’urgence de la prévention. Une campagne nationale de vaccination a été lancée dans la foulée, avec pour objectif d’éliminer la rage d’ici 2030.


Trouver l’équilibre entre protection et respect

Experts et militants s’accordent à dire que protéger l’humain ne signifie pas éliminer l’animal, mais gérer intelligemment sa présence. Cela passe par :

  • la mise en œuvre de politiques publiques durables,
  • le renforcement des capacités des services vétérinaires,
  • et l’intégration des associations de protection animale dans la gouvernance locale.

Une responsabilité partagée

Le traitement des chiens errants en Algérie soulève des questions morales, sanitaires et sociales. Si la sécurité des citoyens est non négociable, elle ne doit pas justifier des pratiques qui violent les principes élémentaires du bien-être animal.

Car au fond, la manière dont une société traite ses animaux en dit long sur son degré de civilisation. L’Algérie est aujourd’hui face à un choix : perpétuer les cycles de violence, ou opter pour une approche civilisée, fondée sur la science, la compassion et la responsabilité collective.

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