Kam’s, bédéiste en tamazight, porte-voix de l’imaginaire amazigh
Kamel Bentaha, connu sous le nom d’artiste Kam’s, est l’un des rares bédéistes à avoir choisi la langue tamazight comme medium de création dans le 9e art. Avant de se consacrer entièrement à la bande dessinée, il a fait ses armes en tant que caricaturiste dans plusieurs journaux et revues. Depuis l’officialisation de tamazight en Algérie en 2016, l’auteur a orienté son travail artistique vers la valorisation de cette langue à travers ses planches illustrées.
Avec neuf albums à son actif, Kam’s s’impose aujourd’hui comme une figure pionnière de la bande dessinée en tamazight. Sa dernière œuvre, Izimer d Uberhuc (L’agneau et le chiot), s’inspire d’un conte traditionnel qu’il revisite avec une approche contemporaine. L’artiste y voit un moyen d’enrichir l’imaginaire collectif amazigh tout en sensibilisant les jeunes à leur patrimoine culturel.
Pour Kam’s, la bande dessinée en tamazight reste encore un territoire à explorer. « Je suis parmi les premiers, avec Aziz Djaouti, qui a publié deux BD en tamazight en 2017, et plus récemment Belkacem Younsi. Mais cela reste insuffisant », déplore-t-il. Il pointe du doigt les difficultés liées à l’édition : coûts de production élevés, manque de demande dans certaines régions, tirages limités et prix peu accessibles. « La majorité des éditeurs recherchent la rentabilité, et le livre en tamazight ne touche qu’un public restreint, sauf dans quelques wilayas. »
Un autre défi auquel se heurte le développement de la BD amazighe est l’influence massive du manga japonais chez les jeunes. « Malheureusement, le manga ne s’adapte pas à notre langue, ni à notre univers culturel. Nous n’avons pas le même imaginaire ni la même spiritualité », explique Kam’s. Pour lui, l’avenir du 9e art en tamazight réside dans une valorisation du patrimoine local, des contes, des récits populaires et des valeurs endogènes. Il souligne néanmoins un intérêt croissant chez les membres de la diaspora, notamment les parents qui souhaitent transmettre la langue maternelle à leurs enfants.
Au-delà de son travail créatif, Kam’s milite pour une appellation proprement algérienne de la bande dessinée. Alors que les appellations varient selon les pays — comics aux États-Unis, fumetti en Italie, manga au Japon —, il estime que l’Algérie mérite, elle aussi, un terme qui reflète sa culture. Il propose le mot Tifghal, qu’il a commencé à utiliser pour désigner ses propres œuvres depuis la parution de son neuvième album. Le terme est dérivé de mots existants en tamazight, comme Tifghulit (caricature) ou Amsefghoul (dessinateur).
« Mes aînés dans le domaine, comme Haroun, Aider ou Zamoum, n’ont jamais proposé de nom algérien pour la BD. Pourtant, notre production a ses spécificités, elle mérite une appellation qui la distingue », insiste-t-il. À la question de savoir quel organisme serait habilité à officialiser ce terme, il répond : « Je ne sais pas si cela relève du Haut-Commissariat à l’amazighité, du ministère de la Culture, ou si le mot s’imposera de lui-même avec le temps. »