Le cinéma mondial rompt avec les institutions israéliennes : un boycott historique contre la guerre à Gaza
L’industrie cinématographique internationale est secouée par un mouvement sans précédent. Plus de 1 300 personnalités du monde du cinéma, parmi lesquelles des acteurs, réalisateurs, producteurs, scénaristes et techniciens de renom – y compris plusieurs lauréats des Oscars, des BAFTA, des Emmy Awards et du Festival de Cannes – ont annoncé publiquement leur décision de cesser toute collaboration avec les institutions culturelles israéliennes.
Par cette initiative, les signataires entendent protester contre ce qu’ils qualifient de participation active des structures culturelles israéliennes au conflit en cours dans la bande de Gaza, et plus largement, contre ce qu’ils désignent comme un système d’apartheid et de nettoyage ethnique à l’encontre du peuple palestinien.
Une déclaration solennelle : l’art comme prise de position politique
Dans leur déclaration collective, les artistes affirment que le cinéma, en tant que forme d’expression artistique universelle, porte une responsabilité morale. Il ne peut, selon eux, être instrumentalisé pour servir les intérêts d’un régime accusé de graves violations du droit international.
« Le cinéma a le pouvoir de façonner les consciences, mais il a aussi le devoir de ne pas être complice », écrivent-ils. « En ce moment de crise urgente, alors que nombre de nos gouvernements cautionnent ou ferment les yeux sur le carnage en cours à Gaza, nous devons prendre nos responsabilités. »
Le texte rappelle que la Cour internationale de Justice a reconnu l’existence d’un risque plausible de génocide à Gaza, ce qui, selon les signataires, place les artistes face à un impératif moral : ne pas participer à la normalisation d’un régime engagé dans des crimes à grande échelle.
Le précédent sud-africain et la singularité du cas palestinien
Les artistes se disent inspirés par les cinéastes qui, à l’époque de l’apartheid en Afrique du Sud, avaient refusé de projeter ou de produire des films en collaboration avec le régime ségrégationniste. Ils insistent cependant sur une différence essentielle : contrairement à l’Afrique du Sud de l’époque, où la répression était systémique mais non exterminatrice, le cas palestinien conjuguerait à la fois une politique d’apartheid et une campagne militaire qualifiée d’extermination par ses détracteurs.
« Le régime sud-africain opprimait et discriminait. Le régime israélien, lui, est accusé non seulement d’apartheid, mais également de génocide », indique la déclaration.
Un boycott qui s’étend à toutes les institutions culturelles israéliennes
Les signataires du texte appellent à une suspension complète de toute collaboration avec les institutions culturelles affiliées à l’État israélien. Cela inclut les festivals de cinéma, les salles de projection, les sociétés de production, les distributeurs, les écoles d’art et les organismes publics ou subventionnés par l’État.
Ils précisent toutefois que ce boycott ne vise pas les artistes israéliens en tant qu’individus, mais les structures étatiques qu’ils estiment impliquées dans la politique d’occupation et de répression.
« Tant que perdureront l’occupation, les crimes de guerre, et les violations systématiques des droits fondamentaux du peuple palestinien, nous refuserons toute complicité culturelle », concluent-ils.
Un soutien massif de figures majeures du cinéma
Parmi les signataires figurent des noms reconnus internationalement : les acteurs et actrices Olivia Colman, Javier Bardem, Tilda Swinton, Susan Sarandon, Mark Ruffalo, Riz Ahmed, ainsi que les cinéastes Ken Loach, Mike Leigh et bien d’autres. Tous ont déjà exprimé par le passé leur engagement en faveur des droits humains, et beaucoup avaient soutenu les campagnes de boycott académique et culturel de l’Afrique du Sud dans les années 1980.
Pour eux, cette action collective s’inscrit dans une tradition d’engagement artistique contre l’oppression. Elle marque aussi une volonté de rompre le silence que certains jugent complice.
Un contexte juridique et humanitaire alarmant
Depuis le déclenchement de la guerre à Gaza en octobre 2023, plus de 64 500 Palestiniens ont été tués selon les chiffres avancés par les sources palestiniennes, en grande majorité des femmes et des enfants. Les Nations Unies, de nombreuses ONG internationales et plusieurs gouvernements ont exprimé leur inquiétude face à ce bilan humain catastrophique, et plusieurs instances judiciaires internationales sont désormais saisies.
La Cour pénale internationale a émis des mandats d’arrêt à l’encontre de plusieurs responsables israéliens, dont le Premier ministre Benyamin Netanyahou et le ministre de la Défense Yoav Gallant, pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité. Parallèlement, la Cour internationale de Justice poursuit l’examen d’une plainte pour génocide déposée par l’Afrique du Sud contre Israël, dans le cadre de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide.
Un geste symbolique mais lourd de conséquences
Ce boycott culturel ne constitue pas une sanction juridique, mais il marque une rupture symbolique forte. Il exprime la volonté d’un secteur influent de ne plus rester neutre face à une situation considérée comme intolérable. En refusant toute normalisation des institutions culturelles israéliennes, ces artistes affirment leur refus de voir l’art utilisé comme un levier de légitimation d’un régime accusé de crimes graves.
Au-delà de l’impact immédiat sur les festivals, les coproductions ou la circulation des œuvres, ce geste pourrait encourager d’autres secteurs culturels – musique, théâtre, arts visuels – à prendre à leur tour position.
Une redéfinition du rôle de l’art dans les crises contemporaines
Pour les initiateurs de ce mouvement, cette mobilisation marque un retour à une conception de l’art comme espace de résistance. Le cinéma, affirment-ils, ne peut pas être neutre lorsque la réalité qu’il documente ou ignore est marquée par des violations du droit international humanitaire.
À travers ce boycott, ils réaffirment une idée ancienne mais puissante : l’art, loin d’être un simple divertissement, peut être une conscience, un refus, une prise de parole.