Hommage à Cheikh Abi-Mediène Chouaib El-Ghaouth : un colloque à Laghouat pour préserver et valoriser le patrimoine soufi algérien
Dans le cadre du 11e Festival culturel international du Samaâ Soufi, qui s’est tenu du 13 au 16 mai à Laghouat, une rencontre académique d’envergure a été consacrée à la pensée et au parcours de Cheikh Abi-Mediène Chouaib El-Ghaouth, figure emblématique du soufisme maghrébin. Chercheurs, universitaires et praticiens du chant mystique se sont réunis pour mettre en lumière l’apport intellectuel, spirituel et culturel de ce maître soufi et plaider en faveur d’un renouveau de l’étude du patrimoine mystique en Algérie.
Les participants ont unanimement insisté sur la nécessité d’encourager les chercheurs à collecter, analyser et publier les œuvres attribuées à Cheikh Abi-Mediène, soulignant l’urgence de sauvegarder un patrimoine à la fois spirituel, littéraire et éducatif. Le président du colloque, le professeur Noureddine Benaidja, a rappelé que cette figure du soufisme avait profondément influencé la tradition mystique dans toute la région du Maghreb, laissant une empreinte durable dans les cercles spirituels et intellectuels.
Parmi les recommandations phares émises à l’issue des travaux, figure l’intégration de la pensée du cheikh dans les programmes universitaires, à travers des mémoires de recherche, thèses de doctorat ou projets interdisciplinaires. Les participants ont souligné l’importance de capitaliser sur l’héritage d’Abi-Mediène pour promouvoir les valeurs d’unité nationale et favoriser l’ouverture culturelle. Cette dynamique s’inscrirait, selon eux, dans une perspective de dialogue interculturel fondé sur l’éthique soufie, la paix intérieure et la tolérance.
L’un des axes majeurs abordés a également été la nécessité de traduire les œuvres soufies algériennes vers d’autres langues internationales. Cette démarche viserait à faire rayonner la contribution algérienne à l’histoire spirituelle universelle, dans une logique d’échange intellectuel et de reconnaissance internationale du soufisme algérien. Les œuvres de Cheikh Abi-Mediène, riches en symboles et en enseignements spirituels, sont encore trop peu connues hors des cercles arabophones.
Les intervenants ont également appelé à renforcer la dimension éducative et morale du Samaâ Soufi, en mettant en avant sa capacité à transmettre des valeurs sociales profondément ancrées dans l’éthique musulmane. Le chant mystique, loin d’être un simple art musical, constitue un vecteur de spiritualité active, un pont entre l’intime et le collectif, entre l’homme et le divin. La création de plateformes numériques, de bases de données et de sites web spécialisés pour rassembler et diffuser ce patrimoine est également proposée, afin de faciliter son accès aux chercheurs, étudiants et passionnés.
Dans cette même optique, les recommandations ont insisté sur l’importance de produire des contenus audiovisuels de qualité, retraçant l’histoire du soufisme algérien, ses figures marquantes, ses textes fondateurs et ses pratiques vivantes. Ces contenus contribueraient à faire connaître la richesse du patrimoine mystique du pays, tout en renforçant les liens spirituels entre l’Algérie et le reste du monde musulman.
Un autre point crucial soulevé par le colloque concerne la coordination entre les ministères de l’Enseignement supérieur et de la Culture. Les participants estiment qu’il est temps de bâtir des projets communs de recherche, capables de couvrir les multiples dimensions du soufisme algérien : historique, philosophique, artistique et sociale. Le rôle des courants soufis dans la lutte contre le colonialisme, leur contribution à la diffusion des valeurs de paix et de solidarité ont aussi été mis en avant comme des aspects majeurs à étudier et à transmettre.
La 11e édition du Festival culturel international du Samaâ Soufi, organisée à la Maison de la Culture Tekhi Abdallah Benkeriou à Laghouat, a confirmé la vocation de l’Algérie comme espace de dialogue spirituel et culturel. Ce festival a réuni des délégations artistiques issues d’une trentaine de pays, venus d’Afrique, du monde arabe, d’Europe, d’Asie et d’Amérique du Nord. L’Ouzbékistan, pays hôte d’honneur, a apporté une touche d’Asie centrale à l’événement, enrichissant encore la dimension internationale du festival.
Pour Zakaria Essehbi, mounchid venu de Libye, se produire en Algérie revient à “chanter au cœur de la Oumma”, tant le chant soufi y est en parfaite résonance avec l’âme populaire. Hocine Biyoumi, chanteur égyptien, a quant à lui décrit sa participation comme “une expérience spirituelle avant d’être artistique”, soulignant la profondeur des liens entre soufisme et valeurs humaines.
Dédié à Cheikh Abi-Mediène Chouaib El-Ghaouth, le festival a attiré un large public, représentant toutes les générations et de nombreuses régions du pays. Cet engouement populaire témoigne de l’ancrage toujours vivant du soufisme dans le paysage culturel et spirituel algérien. L’événement, à la croisée de la tradition et de la modernité, illustre avec force le rôle que peut jouer la culture mystique dans le renforcement du vivre-ensemble et le rayonnement de l’Algérie à l’échelle internationale.