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Préserver le patrimoine du M’Zab grâce à l’intelligence artificielle : une rencontre à El-Atteuf trace les voies de la modernité

Dans la région d’El-Atteuf, au cœur de la vallée du M’Zab, s’est tenue une rencontre d’envergure autour d’un thème central pour l’identité locale : la mise en valeur et la revalorisation du patrimoine matériel et culturel de la région, en prenant pour modèle emblématique le mausolée de Cheikh Brahim Ben Menad Zenati. Cette initiative, organisée au siège de l’Office de protection et de promotion de la vallée du M’Zab, a rassemblé chercheurs, architectes, universitaires, acteurs institutionnels et membres de la société civile, dans un climat d’échange axé sur l’innovation, la tradition et la sauvegarde.

Les discussions ont mis en évidence l’urgence d’un recensement systématique de l’ensemble du patrimoine matériel et immatériel de cette région classée au patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 1982. Les participants ont appelé à un inventaire rigoureux des monuments, édifices religieux, habitations traditionnelles, réseaux hydrauliques et manuscrits anciens, en mettant à profit les nouvelles technologies de l’information et l’intelligence artificielle. L’objectif est non seulement de préserver ce legs unique, mais aussi de le valoriser dans une optique de développement durable et d’économie locale.

Selon les intervenants, l’intelligence artificielle et les outils numériques permettent aujourd’hui de dépasser certaines contraintes techniques liées aux relevés topographiques, aux accès difficiles et à la conservation de données sensibles. L’intégration de ces technologies permettrait notamment de scanner en 3D les sites patrimoniaux, de créer des répliques numériques, et de simuler virtuellement des interventions de restauration.

L’approche défendue est résolument participative. Les experts ont plaidé pour un travail en concertation avec les communautés locales, les autorités, les chercheurs et les habitants eux-mêmes. Le patrimoine du M’Zab, ont-ils souligné, ne peut être préservé efficacement que si les populations qui y vivent se l’approprient pleinement et sont impliquées dans les décisions qui touchent à sa gestion. Cela implique la mise en place de mécanismes de gouvernance locale, d’éducation patrimoniale et de formation des jeunes aux métiers liés à la restauration et à la conservation.

Le mausolée de Cheikh Brahim Ben Menad Zenati, au centre de cette rencontre, illustre parfaitement les enjeux de cette démarche. Situé à El-Atteuf, premier ksar fondé dans la vallée du M’Zab, ce lieu est non seulement un édifice architectural remarquable, mais aussi un haut lieu de mémoire religieuse et sociale. Cheikh Ben Menad fut en effet une figure marquante des réformes spirituelles et sociales dans la région, à une époque où la cohésion de la communauté mozabite se renforçait autour de valeurs de solidarité, de foi et de savoir.

Les organisateurs ont présenté à cette occasion une application virtuelle en 3D du mausolée, permettant une immersion dans l’espace de prière et les différentes composantes architecturales du site. Cette innovation démontre les potentialités offertes par le numérique pour sensibiliser le grand public à la richesse du patrimoine, mais aussi pour attirer un tourisme culturel respectueux et informé.

La rencontre s’est clôturée par une visite sur le terrain de plusieurs projets de restauration en cours dans la vallée. Ces visites ont permis de constater concrètement les efforts de conservation engagés, mais aussi les défis à surmonter, notamment en termes de financement, de formation professionnelle et d’adaptation des techniques modernes aux contraintes spécifiques de l’architecture traditionnelle mozabite.

La région de Ghardaïa, avec ses ksour conçus en amphithéâtre, ses systèmes de distribution de l’eau d’une ingéniosité remarquable, et son tissu urbain d’une rare cohérence, reste un modèle d’urbanisme durable qui continue d’inspirer les architectes et les chercheurs à travers le monde. Le Corbusier lui-même, figure majeure de l’architecture moderne, s’était nourri de l’esthétique et de la fonctionnalité des constructions du M’Zab dans ses travaux.

En marge des travaux, plusieurs recommandations ont été formulées, notamment celle de renforcer la coordination entre les ministères concernés, de promouvoir les publications scientifiques autour du patrimoine mozabite, de numériser les archives et de mettre en place des plateformes d’accès libre à la documentation patrimoniale.

Cette rencontre, inscrite dans le cadre du mois du patrimoine célébré du 18 avril au 18 mai, constitue ainsi une étape clé dans la structuration d’une politique de sauvegarde intelligente et inclusive du patrimoine algérien. Elle marque aussi une volonté collective de transformer la mémoire et la culture en ressources vivantes au service de l’avenir.

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