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Tlemcen et Nedroma : des joyaux patrimoniaux en péril appelant une mobilisation urgente

Classées parmi les sept secteurs sauvegardés à l’échelle nationale, les médinas de Tlemcen et Nedroma, témoins historiques de la civilisation islamique en Algérie, traversent aujourd’hui une phase critique de dégradation, malgré les dispositifs légaux existants. Leur état de détérioration appelle une prise de conscience urgente, des actions concrètes et une politique patrimoniale ambitieuse, à la hauteur de leur héritage millénaire.

Tlemcen, entre grandeur passée et érosion patrimoniale

La médina de Tlemcen, classée secteur sauvegardé en 2009, constitue l’un des rares vestiges urbains du royaume zianide. Malgré l’affectation d’un budget de 12 milliards de centimes, sa situation reste préoccupante. Le tissu urbain, bien que restreint à la seule médina islamique de Tagrart, conserve encore des éléments architecturaux notables, tels que les médersas, hammams, foundouqs ou encore bassins historiques. Cependant, la pression du temps, l’indifférence et les bouleversements postcoloniaux l’ont considérablement fragilisée.

Selon l’archéologue Brahim Chenoufi, la ville a perdu son éclat dès la période coloniale, marquée par la destruction de plusieurs monuments emblématiques comme la Médersa Tachifiniya. La dualité urbaine entre le tissu traditionnel et l’urbanisation récente continue de désarticuler la ville, renforçant la marginalisation de ce centre historique. Façades délabrées, ruelles abandonnées, manque de services de base et dépeuplement croissant dessinent un paysage d’abandon.

Le Plan permanent de sauvegarde approuvé en session de l’APW reste lettre morte faute d’exécution rapide et rigoureuse. Des interventions ciblées, comme le ravalement des façades, la réhabilitation des « derbs », l’adaptation de l’éclairage public à l’esprit du site et la revitalisation économique de la médina sont nécessaires pour lui redonner vie.


Nedroma, mémoire d’Abdelmoumen et héritière de l’Andalousie

À Nedroma, cité fondée au XIe siècle par les Almoravides et chère au souverain Abdelmoumen, la mobilisation de la société civile, notamment l’association El Mouahidia, constitue un rempart précieux contre l’oubli. Portée par Azzedine Midoun, cette dynamique citoyenne œuvre à la restauration, au recensement des manuscrits et à la préservation de monuments, tels que la Grande Mosquée ou les bains almoravides.

Malgré la relative conservation de son tissu médiéval – ses ruelles, ses souks, sa casbah – la ville subit les affres du temps et du désintérêt institutionnel. Loin d’être un simple vestige à contempler, Nedroma pourrait devenir un modèle de gestion du patrimoine de petite échelle, alliant transmission culturelle, tourisme durable et revitalisation économique. Mais cela suppose une approche multidimensionnelle et inclusive.


Entre politiques locales et nécessité d’un appui international

La marginalisation de ces centres historiques prestigieux ne doit plus être tolérée. Les mutations urbaines, les déséquilibres socio-économiques et l’absence de politiques patrimoniales actives ont fragilisé des lieux porteurs d’identité. Il ne suffit pas de décréter une médina « secteur sauvegardé » ; encore faut-il la doter d’un cadre d’intervention effectif, d’un accompagnement technique et d’un financement durable.

Il est désormais impératif de :

  • Appliquer les plans de sauvegarde déjà adoptés avec rigueur ;
  • Créer des dispositifs fiscaux et réglementaires incitatifs pour encourager les restaurations privées ;
  • Soutenir les associations locales dans leurs démarches de sensibilisation ;
  • Intégrer ces médinas dans les programmes de coopération internationale, comme ceux de l’UNESCO ou d’ICOMOS.

Préserver Tlemcen et Nedroma, c’est plus qu’un acte de mémoire. C’est une décision stratégique pour redonner sens à l’espace urbain, réconcilier l’histoire avec le présent, et proposer aux générations futures un héritage vivant, porteur de fierté et d’opportunités.

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