L’Allemagne prépare un réarmement massif face aux tensions transatlantiques et à l’agrandissement du fossé avec les États-Unis
Dans un contexte de tensions croissantes avec les États-Unis et de pressions sécuritaires de plus en plus fortes, les leaders du futur gouvernement allemand, composés principalement des partis conservateur et social-démocrate, ont annoncé un plan ambitieux visant à renforcer les capacités militaires de l’Allemagne. Ce projet de réarmement, sans précédent en termes d’investissement, répond à la nécessité d’adapter l’armée allemande aux défis contemporains, notamment en raison des ruptures transatlantiques amorcées sous l’administration de Donald Trump.
Les deux partis, en pleine négociation pour former un nouveau gouvernement, ont détaillé leurs propositions mardi soir. Le futur chancelier conservateur, Friedrich Merz, a déclaré que l’Allemagne serait prête à ouvrir les vannes des dépenses publiques pour financer ce renforcement militaire, même si cela implique de rompre avec des décennies d’orthodoxie budgétaire. « Compte tenu des dangers qui menacent notre liberté et la paix sur notre continent, le mot d’ordre pour notre défense doit être : quoi qu’il en coûte ! », a souligné Merz, mettant en exergue l’urgence de cette transformation.
Un changement radical des priorités budgétaires Dans cette optique, les deux formations politiques envisagent de demander un vote à la Chambre des députés la semaine prochaine pour assouplir les règles constitutionnelles relatives au déficit budgétaire annuel. Le mécanisme du « frein à l’endettement », qui limite le déficit à 0,35 % du PIB, serait partiellement levé, permettant ainsi d’augmenter les dépenses de défense au-delà du seuil de 1 % du PIB, sans contrainte. Selon Manuela Schwesig, une négociatrice du SPD, le projet est d’atteindre « au moins 100 milliards d’euros par an » pour les dépenses militaires, soit deux fois le montant actuellement alloué.
Cette réforme budgétaire pourrait permettre à l’Allemagne de s’approcher du seuil de 3 % du PIB pour la défense, une norme que l’OTAN envisage d’imposer à ses membres dans un futur proche. Le ministre de la Défense, Boris Pistorius, a qualifié cette démarche d’ « un jour historique » pour l’armée allemande et pour l’Allemagne elle-même, soulignant le rôle moteur que le pays pourrait désormais jouer au sein de l’OTAN et en Europe pour renforcer la sécurité collective.
Relance du service militaire et aide à l’Ukraine En parallèle de cet investissement financier, l’Allemagne relance le débat sur la réintroduction du service militaire obligatoire. Friedrich Merz a insisté sur la nécessité d’augmenter les effectifs de la Bundeswehr, précisant qu’il serait difficile d’assurer la défense nationale avec les effectifs actuels. Bien qu’il n’ait pas avancé de chiffres précis, il a souligné que la situation exigeait une mobilisation accrue des ressources humaines.
Pour montrer son soutien à l’Ukraine face à la guerre en cours avec la Russie, l’Allemagne a également annoncé qu’elle débloquerait rapidement une aide militaire supplémentaire pour Kyiv. Ce soutien, compris entre 3 et 3,5 milliards d’euros, fait suite à la décision des États-Unis de suspendre leur aide militaire à l’Ukraine. Merz a exprimé la volonté de l’Allemagne de compenser ce manque et de continuer à jouer un rôle actif dans le soutien à l’Ukraine.
Un tournant pour l’Allemagne Cette série de mesures marque un tournant pour l’Allemagne, traditionnellement réticente à augmenter ses dépenses militaires en raison de son passé historique. Toutefois, face aux évolutions géopolitiques mondiales et à la nécessité de répondre aux défis sécuritaires croissants, l’Allemagne semble prête à assumer une nouvelle posture en matière de défense, tant au niveau national qu’européen.
