« Mélodies de l’authenticité et du patrimoine » : un hommage envoûtant à la musique andalouse à l’Opéra d’Alger
Par : Amani H.
Samedi soir, l’Opéra d’Alger Boualem-Bessaih a vibré au rythme des mélodies andalouses, avec un concert exceptionnel intitulé « Mélodies de l’authenticité et du patrimoine ». Ce concert a mis à l’honneur les riches variantes du patrimoine musical andalou, notamment les écoles Malouf, Gharnatie et Senâa, à travers trois prestations magistrales offertes par trois géants de la scène musicale algérienne : Salim Fergani, Karim Boughazi et Samir Toumi.
Le concert, qui a attiré un public nombreux et passionné, a été l’occasion de célébrer un legs ancestral unique, celui de la musique andalouse. Cette dernière, symbole d’une époque où l’Andalousie était le carrefour des cultures, se retrouve à travers ses différentes écoles dans les villes d’Alger, Constantine et Tlemcen. L’orchestre national de musique andalouse de l’Opéra d’Alger, composé d’une quarantaine d’instrumentistes issus de ces trois régions, a soutenu les trois artistes, sous la direction de Samir Boukredera, Adil Belkhodja et Naguib Kateb, apportant une dimension supplémentaire à chaque prestation.
Des prestations aux sonorités envoûtantes
Le concert a débuté par l’entrée en scène de Salim Fergani, accompagné de son oud, dans un cadre solennel. Sous la direction de Adil Belkhodja, Fergani a offert au public un programme dans le mode Sika, un style représentatif de l’école Malouf. La salle, déjà comble, a été envoûtée par des morceaux comme « Ana ladhi biya saken samim fouadi » et « Damaôu âyni kal’ghimam », où les ornements et les tonalités caractéristiques du Malouf ont resurgi de manière éclatante. Ce premier moment, chargé d’émotions, a permis à Fergani de dévoiler toute la richesse du répertoire constantinois, avec des pièces comme « Qalbi ibtella bi gharamek » et « Wa melli bi djismi ».
La chaleur de la réaction du public ne s’est pas fait attendre, et après chaque chanson, des applaudissements nourris ont salué la performance de l’artiste, dont la voix vibrante a magnifiquement résonné dans le grand auditorium.
Karim Boughazi et le Zidène : la magie de Tlemcen
Ensuite, c’est Karim Boughazi, le talentueux ténor de Tlemcen, qui a pris la relève, en enchaînant des morceaux du répertoire Zidène, une des grandes variations de la musique andalouse tlemcénienne. Dans un costume élégant, Boughazi a interprété avec brio des pièces emblématiques comme « El hawa dhella el oussoud », « Baha istibari », et « Ach douk ech’chamaïl », pour ne citer que celles-ci. Ces morceaux, qui composent la nouba Zidène, ont magnifiquement mis en lumière la richesse mélodique et rythmique de l’école de Tlemcen, tantôt enjouée, tantôt empreinte de douce mélancolie.
Le public a répondu avec enthousiasme, particulièrement lors de la magistrale interprétation de « Ya kamel el maâni » et « Had El gharam », où la complicité entre l’artiste et l’orchestre était palpable. Boughazi, fidèle à sa réputation, a enchaîné les pièces avec une aisance impressionnante, guidant la salle dans un voyage musical entre légèreté et profondeur émotionnelle.
Samir Toumi et la virtuosité du Senâa
Pour clore ce concert d’anthologie, Samir Toumi, reconnu pour sa maîtrise du genre Senâa, a pris la scène avec la même ferveur. Son interprétation de morceaux traditionnels a apporté une touche de majesté et de rigueur, propre à cette école sévillane qui se distingue par des rythmes complexes et des modulations intenses. L’artiste a plongé la salle dans un tourbillon de sonorités, avec des œuvres comme « Dir ya nadim » et « Ez’Zahra fi Er’Rawdhi », où la technique instrumentale et vocale a atteint des sommets.
Toumi, fidèle à sa capacité à fusionner l’authenticité du répertoire andalou avec des touches modernes, a captivé les spectateurs avec sa prestation émotive et énergique. L’orchestre, dirigé par Naguib Kateb, a accompagné le ténor avec une grande précision, permettant une parfaite osmose entre la voix et l’instrumentation.
Un retour triomphal pour l’orchestre
Le concert a également marqué le grand retour de l’Orchestre national de musique andalouse après une absence de près d’une année, notamment en raison de la pandémie. Ce retour sur scène a été un moment attendu et apprécié par tous, et la diversité des modes musicaux exécutés a permis de rappeler l’ampleur de l’héritage musical andalou que l’Algérie continue de préserver avec ferveur.
Un hommage vibrant à un patrimoine vivant
À l’issue de ce concert mémorable, tous les artistes ont exprimé leur bonheur et leur fierté de se produire devant un public aussi réceptif et passionné. L’Opéra d’Alger a une nouvelle fois prouvé son rôle de phare culturel, en offrant à la capitale un spectacle qui a honoré l’âme de la musique andalouse, mais aussi l’histoire culturelle et musicale de l’Algérie.
Les « Mélodies de l’authenticité et du patrimoine » ont ainsi été un hommage vibrant à la musique andalouse, mais également à ses héritiers, les artistes et musiciens d’aujourd’hui, qui continuent de faire vivre et évoluer ce patrimoine exceptionnel. Le concert, organisé par l’Opéra d’Alger sous l’égide du ministère de la Culture et des Arts, restera gravé dans les mémoires comme un grand moment de partage, de beauté et de culture.
