L’INDIFFERENCE DES CITOYENS FACE A LA CORRUPTION
Par noureddine benouar
LA PRESIDENTE DE LA HAUTE AUTORITE DE TRANSPARENCE, DE PREVENTION ET DE LUTTE CONTRE LA CORRUPTION VEUT L’IMPLICATION EFFECTIVE DE LA SOCIETE CIVILE
A l’occasion de sa rencontre au forum de la Radio algérienne, la présidente de la haute autorité de transparence, de prévention et de lutte contre la corruption, Mme Mousserati n’a pas caché son souci quant à l’indifférence du citoyen face à la corruption qui a pris une ampleur gravissime et de l’invité à prendre une part active dans ce processus de lutte contre ce fléau qui a tant impacté le trésor public, mais surtout le citoyen qui vit ce drame avec plus de virulence.
En effet, lutter contre la corruption n’est l’affaire uniquement des pouvoirs publics, mais du citoyen qui doit être actif dans tout ce qui concerne la gestion de la chose publique surtout que l’Etat a mis en place plusieurs dispositifs pour amener le citoyen à plus de citoyenneté. La plate-forme mise à sa disposition « Nechki » est en soi une véritable opportunité pour que le citoyen prenne part à tout ce qui constitue une dérive au niveau de toutes les institutions publiques du pays, car lutter contre la corruption implique aussi la lutte contre l’autre cancer, la bureaucratie en l’occurrence, cette autre tare qui est en réalité la base arrière de toutes formes de corruption. Dans ce sens, l’invitée de la Radio algérienne a déclaré qu’à son niveau, il y a eu plus de 466 signalements relatifs à des affaires de corruption, apparemment, des signalements bien documentés, conçus sur la base de preuves irréfutables, ce qui suppose que les auteurs des ces signalements sont bien placés pour apporter leur concours à l’effet de signaler la moindre irrégularités. L’on conclut, de ce fait que ces mêmes auteurs de signalement font partie des travailleurs ou des fonctionnaires d’une administration ou d’une entreprise et suppose, aussi qu’ils appartiennent à un niveau de leur hiérarchie proche des centres de décisions.
En effet, l’on est tenté de croire que ces signalements peuvent concerner de facto, l’octroi de marchés publics, peut-être la confection d’un cahier de charges sur mesure pour privilégier tel ou tel soumissionnaire, mis ce qui reste quelque peu négligé, ce sont les bons de livraisons et du coup, les accusés de réception de telles ou telles marchandises et par extension, la nature des travaux entrepris réellement. C’est en effet le gros des dérives où seuls, les plus proches de ces dossiers peuvent intervenir pour dénoncer des carences, synonymes de corruption occulte. Selon un ancien cadre moyen ayant travaillé au sein d’une entreprise publique de grande envergure et d’une société étrangère toute aussi géante, c’est dans ces petits détails que la corruption bat son plein et de nous donner quelques exemples significatifs pour dire : « Au sein de l’entreprise publique pour les simples besoins de sa cantine, les fonctionnaires en charge des cahiers de charges se chargent de les concocter de telle sorte à ce que les éventuels autres soumissionnaires se désistent puisqu’il leur est exigé qu’ils sont tenus par la conformité des qualités requises des produits concernés, la viande qui doit être de veau et répondant aux normes sanitaires strictes et surtout l’irréprochabilité des quantités remises, sauf qu’en réalité, sitôt l’octroi du marché, tout change et les exigences contenues dans le cahier de charges ne sont que de l’histoire ancienne. Cette manière de faire engendre pour ceux qui sont impliqués dans ces manigances des sommes astronomiques, presque a moitié du montant du marché et lorsqu’on multiplie tout cela par des dizaines d’années, on comprend mieux pourquoi, ces mêmes personnes achètent des postes travail très sensibles à des prix incroyables, pour un chef de service, on était près à débourser des dizaines de milliers de dinars » et d’ajouter : « en guise de faire taire toutes les langues, ces derniers, forts de leur poste de travail et de fortes sommes d’argents acquises, ils n’hésitent pas à soudoyer, même le directeur et pour d’autres la possibilité d’être les auteurs de leur licenciement ».
Pour l’entreprise étrangère, c’est pratiquement le même procédé, sauf que les montants sont plus importants au regard de la nature du marché public international qui suggère des quantités encore plus importante et notre interlocuteur de nous dire : « C’est simple, toutes les malfaçons constatées, sont en grande partie à l’origine de toutes ces dérives où les travailleurs nationaux et les étrangers sont de connivence pour s’enrichir ostensiblement au dépends des projets qui souffrent de grands nombres d’irrégularités, le cas de l’autoroute Est-Ouest est éloquent à bien des égards ».
En effet et sur la base de ce constat, nous ne pouvons que comprendre la réticence des travailleurs à dénoncer cette corruption, puisque les représailles sont de rigueur et les exemples sont légions où beaucoup d’intègres fonctionnaires l’ont payé chèrement.
Toutefois et pour ne pas faire l’amalgame, le contexte est en changement et du coup, les pouvoirs publics, conscients de tous ces enjeux, ont mis des garde-fous à même de permettre aux intéressés de réagir avec plus de confiance. Lorsque, c’est le premier magistrat du pays qui le dit et que des institutions le conforte, le citoyen ou le travailleur doit s’impliquer.
Il est vrai, dans ces cas de figure que le parallèle est permis quand on voit toutes ces arrestations des forces de l’ordre de grands trafiquants, on s’aperçoit que dans leurs communiqués, on précise que ces dernières ont été réalisées sur la base de renseignements et autres informations ayant contribuées à l’arrestation de grands criminels.
Toutefois et pour plus d’efficience, la haute autorité de transparence, de prévention et de lutte contre la corruption qui entend mener cette lutte avec des garanties certaines suggère que ce combat s’articule autour de cinq axes, à savoir, la moralisation de la vie publique, le renforcement de la transparence, la récupération des avoirs, la consolidation des compétences des instances de contrôle, de la société civile et de la presse.
C’est à notre avis, le dernier axe qui semble intéressant et qui concerne la presse, d’ailleurs le chef de l’Etat dans l’une de ses rencontres avec la presse nationale, avait insisté sur ce recours, excluant au passage toutes ces lettres anonymes qui ne sont en fait pour une grande partie d’entre elles que de la délation. Notre expérience dans la presse nous a permise de conforter ce recours puisque lors de dénonciation de dérives sous quelques formes que ce soient, des solutions ont été trouvées à coup de compromis, mais pour beaucoup, les issues ont été salvatrices. On a pour preuve toutes ces lettres parues dans les journaux adressées au premier magistrat du pays ou à d’autres responsables de haut niveau, ont été suivies d’effets, même durant le règne de la ISSABA.