Projet laitier algéro-qatari : le succès dépend de trois conditions essentielles, selon un expert agricole
Le projet conjoint algéro-qatari de production de lait et de poudre de lait, considéré comme l’un des plus grands projets agricoles industriels au monde, ne pourra réussir que si trois conditions clés sont respectées dès le départ, selon l’expert agricole Ali Boukhalfa.
Dans un entretien accordé à Echorouk Online, Boukhalfa a insisté sur le premier critère : l’importation de races bovines adaptées au climat désertique algérien. Il a précisé que les races seraient probablement choisies dans des États américains au climat chaud et sec, comme la Californie, et non dans des pays européens froids tels que la Hollande ou la France.
Le deuxième facteur, selon l’expert, souvent négligé, concerne l’alimentation des vaches. Il recommande de fournir des fourrages riches en eau – jusqu’à 80% – afin d’atteindre une production de 60 litres de lait par vache et par jour, contre une moyenne locale de 20 litres. Il a insisté sur la nécessité d’un approvisionnement régulier en fourrages et en eau, tout en évitant le recours aux aliments secs destinés à la viande, peu adaptés à la production laitière.
Le troisième pilier repose sur l’installation d’un système moderne d’hygiène et de suivi, équipé pour gérer de grands troupeaux et garantir la qualité du lait ainsi que la santé des animaux.
Le projet, dont l’investissement s’élève à 3,5 milliards de dollars, devrait couvrir 50 % des besoins nationaux en poudre de lait, alors que l’Algérie importe actuellement environ 400 000 tonnes par an. Boukhalfa estime que le respect de ces conditions permettra de renforcer la sécurité alimentaire, de réduire la facture d’importation et d’attirer des investissements étrangers, contrairement aux politiques précédentes.
L’accord final, signé début 2025 entre la société qatari “Baladna” et le Fonds national d’investissement, prévoit le démarrage de la production dès 2026. Le projet s’étend sur 117 000 hectares répartis sur trois zones intégrées, comprenant des cultures fourragères et céréalières, des élevages de bovins et des usines de production de lait et de poudre de lait.
La première phase prévoit l’aménagement de 100 000 hectares, l’installation de 700 systèmes d’irrigation, la construction de deux fermes laitières et d’une usine de poudre de lait, et le début de la formation du troupeau avec des races de haute qualité adaptées au climat désertique.
Selon le plan, le projet comptera 270 000 vaches au bout de neuf ans, produisant environ 1,7 milliard de litres de lait par an, dont 194 000 tonnes destinées à la poudre de lait. La première phase devrait générer environ 93 000 tonnes de poudre de lait, avec une progression continue de la production.
Sur le plan technique, “Baladna Algérie” a signé 14 accords, d’un montant total supérieur à 500 millions de dollars, avec des entreprises internationales et locales spécialisées dans l’équipement laitier, les systèmes d’irrigation et le soutien technique et logistique.
Boukhalfa a également salué le plan de renouvellement du troupeau tous les sept ans, conforme aux normes internationales, afin de maintenir un niveau de productivité élevé, en contraste avec les pratiques antérieures qui conduisaient à abattre les vaches après un ou deux ans seulement.
Une partie du lait produit pourrait être utilisée comme lait enrichi, en complément du lait pasteurisé subventionné par l’État, contribuant à stabiliser le marché et à créer des milliers d’emplois permanents et saisonniers dans l’agriculture, l’industrie, la logistique et les services associés.
En résumé, le projet algéro-qatari de production laitière constitue une étape stratégique pour la sécurité alimentaire nationale. Son succès dépendra toutefois du respect strict des trois conditions techniques : importation de races adaptées, alimentation riche en eau et adoption d’un système moderne de suivi et d’hygiène. Avec une volonté politique forte et des ressources adéquates, ce projet pourrait devenir un modèle de développement agricole durable en Algérie et réduire la dépendance aux marchés étrangers.
