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Santé : quand certaines prescriptions médicales deviennent une porte ouverte à l’addiction

Dans plusieurs wilayas du pays, des enquêtes récentes mettent en lumière des pratiques alarmantes : certains médicaments psychotropes et neuroleptiques, destinés à soigner, se retrouvent sur le marché noir, alimentant l’addiction et les comportements déviants dans les quartiers populaires. Ces affaires révèlent que quelques professionnels de santé — médecins et pharmaciens — ont trahi la confiance qui leur était accordée, transformant la prescription médicale en un outil de trafic.

Des réseaux depuis les établissements de santé vers les rues

À Sétif, les investigations menées par la police et la gendarmerie ont montré qu’une part importante de ce trafic prend racine dans des structures sanitaires publiques et privées. Des prescriptions de médicaments à forte puissance psychotrope sont délivrées sans justification médicale, contre paiement, puis récupérées par des pharmacies complices avant d’être transférées à des revendeurs actifs dans les quartiers populaires. Chaque jour, des centaines de comprimés échappent ainsi au circuit médical légal pour alimenter le marché parallèle.

Cas emblématiques : médecins et pharmaciens impliqués

L’affaire d’Aïn Oulmane a particulièrement secoué l’opinion publique. Un médecin et un pharmacien y ont été impliqués : le médecin délivrait des ordonnances pour des médicaments réservés aux spécialistes en santé mentale contre 12 000 DA, tandis que le pharmacien les délivrait pour 45 000 DA l’ordonnance. Les perquisitions ont permis la saisie de 360 unités de substances psychotropes et 50 ordonnances falsifiées, ainsi que des téléphones prouvant la coordination entre les protagonistes. De nombreux jeunes de la région obtenaient les médicaments via des intermédiaires reliant médecin, pharmacien et revendeurs.

Dans une autre affaire, le directeur d’un hôpital pour femmes et enfants de Sétif a été condamné à 20 ans de prison après avoir été surpris en possession de 5 000 comprimés hallucinogènes et d’un sac de drogue d’origine inconnue. L’enquête a révélé son implication dans un réseau interwilayas fournissant ces substances.

Des prescriptions détournées et un marché lucratif

Les enquêtes ont identifié des médicaments tels que Rivotril, Artane, Lyrica et Diazepam qui quittent les pharmacies pour alimenter des réseaux de revendeurs. Certains pharmaciens participent au trafic en délivrant des ordonnances non conformes, motivés par le profit rapide, faisant de ce commerce une alternative plus rentable et moins risquée que les drogues classiques.

Les témoignages de familles locales montrent les conséquences dramatiques : un adolescent de 17 ans est tombé dans l’addiction après avoir obtenu des hallucinogènes via une prescription délivrée sans contrôle. Les dommages s’étendent ainsi aux familles, confrontées à un phénomène qui aurait dû rester circonscrit aux institutions de santé.

Vers un contrôle renforcé

Les experts recommandent la numérisation des prescriptions via un système national unique reliant patient, médecin et pharmacien, avec un suivi strict des médicaments sensibles. Une surveillance accrue des établissements de santé et des pharmacies, combinée à des campagnes de sensibilisation pour les jeunes, les familles et les professionnels de santé, est également nécessaire.

Selon Murad Sana, chef de la section Organisation et Produits Pharmaceutiques de la direction de la santé de Sétif : « Le décret exécutif n°19/379 du 31 décembre 2019 a mis en place un mécanisme strict pour suivre les médicaments sensibles depuis leur production jusqu’à leur dispensation, afin que chaque acteur assume ses responsabilités légales et éthiques et pour limiter les détournements. »

Conclusion : l’éthique au cœur de la prévention

Ces affaires rappellent que la protection de la société contre les substances psychotropes commence à l’intérieur des cliniques et des pharmacies, là où la prescription médicale doit rester un instrument de soin, et non un moyen d’alimenter l’addiction. Renforcer la conscience professionnelle et la responsabilité éthique des praticiens est aujourd’hui le véritable enjeu pour préserver la confiance du public.

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