En Algérie, des patients obligés de réserver leurs consultations la nuit via des feuilles accrochées aux portes des cabinets médicaux
Dans plusieurs villes algériennes, une pratique insolite et préoccupante s’est installée au sein de certaines cliniques privées : des patients se voient contraints de s’inscrire sur de simples feuilles accrochées la nuit sur les portes des cabinets médicaux ou déposées chez des commerçants voisins, afin d’obtenir une consultation. Un procédé jugé dégradant, dangereux et indigne, qui suscite aujourd’hui l’indignation des professionnels de la santé et des associations de consommateurs.
Des inscriptions nocturnes dans le noir
À défaut d’un système d’accueil organisé ou d’une plateforme de prise de rendez-vous, des médecins laissent une feuille de papier à l’entrée de leur cabinet, parfois même sur un tronc d’arbre ou chez une épicerie voisine. Dès la tombée de la nuit — ou avant l’aube — des patients, souvent âgés ou atteints de maladies chroniques, affluent pour y inscrire leur nom dans l’espoir de figurer parmi les premiers examinés.
Ces scènes donnent lieu à des attroupements, des files d’attente improvisées et parfois même des altercations, alors que personne du personnel médical n’est présent pour superviser la procédure.
Un procédé dangereux et indigne
Pour le spécialiste de santé publique Fethi Benachnou, cette méthode est « non seulement inhumaine, mais aussi préjudiciable à la santé des patients ». Il rappelle que l’exposition au froid nocturne représente un risque majeur pour les personnes souffrant notamment de diabète ou de maladies cardiovasculaires. S’y ajoutent les risques d’infection liés au contact des surfaces et au regroupement de personnes malades.
Benachnou estime que cette organisation anarchique va à l’encontre des règles élémentaires de gestion sanitaire et ouvre la porte au favoritisme et aux abus.
Une nouvelle forme de “biscuitage” des rendez-vous
Dans certains quartiers, des individus profitent de cette situation pour monnayer l’inscription des patients. Contre une somme modique — souvent 100 dinars — ils proposent d’ajouter un nom sur la liste nocturne, transformant le droit à un rendez-vous médical en marchandise.
Un exemple frappant concerne une gynécologue de Bachdjarah, à Alger, dont la feuille de rendez-vous est collée chaque soir sur la grille d’une résidence. Dès l’aube, des femmes enceintes attendent debout, parfois des heures, que le cabinet ouvre ses portes vers 8 ou 9 heures.
Les autorités réagissent
Face à cette situation, la Direction de la santé de la wilaya de Khenchela a récemment émis une instruction imposant aux cliniques privées de gérer les rendez-vous exclusivement pendant les heures d’ouverture. La mesure, saluée par les habitants, vise à préserver « la dignité et le bien-être des patients ».
L’association nationale APOCE (ex-Apoos) s’est elle aussi dite profondément choquée par ces pratiques qu’elle qualifie de « méthodes dégradantes qui ne respectent ni l’éthique médicale ni la dignité des malades ». Elle appelle à une intervention urgente pour mettre fin à ces dérives.
L’urgence de la numérisation
Pour les experts, la solution est claire : il faut imposer la modernisation. Benachnou plaide pour que les cliniques privées adoptent des systèmes de rendez-vous numériques accessibles depuis le domicile du patient. « Rien n’est plus logique, aujourd’hui, que de recevoir un SMS ou un e-mail confirmant l’heure de son passage », affirme-t-il.
Il recommande ainsi un contrôle strict des pratiques des établissements privés par les directions de santé à travers le pays, afin d’assurer un service conforme aux standards de qualité et de respect des usagers.
