Algérie-Espagne : Vers une restauration progressive de la confiance bilatérale
Depuis le début de l’année 2025, les relations entre l’Algérie et l’Espagne connaissent un regain significatif, marquant un tournant après les tensions politiques liées à la crise de 2022. Cette dernière avait éclaté lorsque Madrid a, de manière unilatérale, exprimé son soutien au plan d’autonomie marocain concernant le Sahara occidental. Cependant, les récentes évolutions témoignent d’une volonté partagée de dépasser ce différend par un dialogue constructif fondé sur le respect mutuel, dans le cadre d’une diplomatie algérienne cherchant un équilibre plus affirmé avec ses partenaires européens.
Un signe concret de cette détente a été la reprise de la coopération sécuritaire entre Alger et Madrid dans la lutte contre l’immigration clandestine, suspendue depuis trois ans. Le ministre algérien de l’Intérieur, Saïd Saïoud, a annoncé à l’issue de sa rencontre avec son homologue espagnol Fernando Grande-Marlaska la réactivation du protocole de mobilité et de retour signé en 2008, ainsi que la création d’une commission technique mixte pour relancer cette collaboration. Cette initiative vise à intensifier la lutte contre les réseaux criminels impliqués dans la traite des êtres humains, le trafic de documents falsifiés et l’immigration illégale, tout en adoptant une approche équilibrée entre sécurité et respect des droits humains.
Dans le même contexte, Saïd Saïoud a tenu à préciser qu’« Alger ne se sert pas de la question migratoire comme un levier de pression politique », rappelant les défis complexes auxquels le pays fait face, bien plus importants que ceux des pays de destination.
L’Algérie a également informé Madrid de ses succès en matière de contrôle des flux migratoires, avec plus de cent mille tentatives d’entrée irrégulière déjouées en 2024, et plus de 82 000 retours organisés dans le respect de la dignité des personnes concernées.
La dynamique positive a été largement impulsée par le sommet de l’État. Le président Abdelmadjid Tebboune a déclaré dès le début de l’année que l’Algérie « n’a pas d’ennemi en Europe », soulignant que les relations avec l’Espagne « sont revenues à la normale » après une période de refroidissement. Il a notamment rappelé la reprise des importations de bétail espagnol dans le cadre du programme d’achat d’un million de moutons, geste à la fois symbolique et porteur d’une forte charge politique.
Par ailleurs, les échanges diplomatiques se sont intensifiés ces derniers mois. En février, l’ancien ministre de l’Intérieur Ibrahim Mourad a effectué une visite officielle à Madrid, la première depuis la crise, à la tête d’une délégation sécuritaire de haut niveau. Les discussions ont porté sur la coopération en matière de sécurité et de protection civile, avec une volonté commune de renforcer les liens bilatéraux. Cette approche a été renforcée par la rencontre entre le président du Conseil de la Nation, Azouz Nasri, et l’ambassadeur d’Espagne en Algérie, lors de laquelle l’importance du respect des positions souveraines a été soulignée comme fondement de la confiance mutuelle.
Le message est également venu clairement de l’ambassadeur espagnol Fernando Morán Calvo Sotelo, qui a exprimé le désir de Madrid de « tourner la page des différends » et de bâtir des relations « distinguées ». Il a salué le rôle régional de l’Algérie en Afrique du Nord et au Sahel, notamment son engagement dans la libération du otage espagnol Navarro Canada en janvier 2025, soulignant l’importance de la coopération sécuritaire.
Sur le plan économique, la reprise est palpable. Les exportations espagnoles vers l’Algérie ont bondi de 162 % au premier semestre 2025, retrouvant quasiment les niveaux d’avant la crise. L’Algérie est redevenue le deuxième marché européen pour le carrelage espagnol, tandis que le trafic maritime entre les ports des deux pays a repris avec intensité. Par ailleurs, l’Algérie conserve son rôle clé en tant que deuxième fournisseur de gaz naturel pour l’Espagne, avec une part oscillant entre 26 % et 30 %, démontrant que les différends politiques n’ont pas affecté la coopération énergétique, pilier fondamental de la confiance bilatérale.
Cette dynamique commerciale et diplomatique traduit la pragmatique des deux pays dans la gestion de leurs différends, privilégiant les intérêts économiques et sécuritaires communs à l’escalade des tensions. L’Algérie demeure ainsi un marché stratégique pour les entreprises espagnoles, un fournisseur fiable d’énergie et un acteur sécuritaire incontournable dans la région.
