Le Makhzen occulte le nombre réel de détenus marocains suite aux manifestations de la jeunesse
Alors que le mouvement de protestation de la jeunesse bat son plein au Maroc, le Makhzen maintient un silence strict et refuse de communiquer sur le nombre réel de personnes arrêtées et détenues. Cette opacité contraste avec les alertes lancées par plusieurs organisations de défense des droits humains, qui évoquent près de 1 000 interpellations depuis le début des manifestations.
Officiellement, le ministère de l’Intérieur a publié un seul communiqué, daté du 9 octobre, faisant état de 409 gardes à vue en lien avec les rassemblements réclamant justice sociale, dignité humaine et lutte contre la corruption. Un deuxième communiqué, publié quelques jours plus tard, ne faisait état que du bilan des blessés parmi les forces de sécurité, sans évoquer le nombre de détenus.
Pourtant, la section marocaine de l’Association marocaine des droits de l’Homme (AMDH), la plus grande organisation du pays en matière de défense des droits humains, a recensé plus de 4 000 arrestations dans diverses villes. La majorité de ces personnes auraient été relâchées après quelques heures ou jours d’interrogatoire, mais l’AMDH ne dispose pas encore de chiffres précis concernant ceux qui restent en détention.
Le collectif des avocats de la défense avance pour sa part qu’environ 600 manifestants seraient toujours emprisonnés. Ils précisent également que des blogueurs et militants actifs sur les réseaux sociaux ont été ciblés, accusés d’« incitation à manifester » ou d’« atteinte à l’ordre public ».
De nombreux observateurs qualifient cette vague d’arrestations comme « la plus grande répression » connue au Maroc depuis plusieurs années. La crainte d’une intensification des arrestations grandit, alors que le mouvement de la jeunesse a renouvelé son appel à manifester, suscitant des inquiétudes sur un recours accru à la répression sécuritaire. Celle-ci avait déjà causé la mort de trois personnes et plusieurs blessés lors des premiers jours des protestations.
Dans un communiqué, le mouvement de la jeunesse dénonce ces arrestations de manifestants pacifiques comme « une violation flagrante de la Constitution marocaine et des droits fondamentaux garantis par la loi ». Il tient le gouvernement et les forces de sécurité pleinement responsables de ces dérives répressives.
Par ailleurs, sur les réseaux sociaux, de nombreux artistes, notamment des jeunes rappeurs et rappeuses, expriment leur solidarité avec les manifestants, quitte à risquer des représailles. Ces artistes, dont les textes reflètent souvent les mêmes revendications que celles exprimées dans la rue, multiplient les messages de soutien.
« La jeunesse d’aujourd’hui en a assez et réclame pacifiquement responsabilité, transparence et changement politique pour répondre aux besoins en santé publique et en éducation », soulignent-ils. Ces artistes insistent sur le fait que les revendications portées par le mouvement GenZ 212 s’inscrivent dans la continuité des luttes populaires au Maroc, notamment celle du Hirak du Rif, dont les figures emblématiques ont été lourdement condamnées alors qu’elles défendaient une parole juste et légitime.
