Agroalimentaire : l’Algérie pose les fondations d’une souveraineté économique durable
L’inauguration récente du complexe Kotama Agri Food à Jijel par le Premier ministre marque bien plus qu’un simple jalon industriel : elle incarne la transformation en profondeur de l’industrie agroalimentaire en Algérie. Spécialisé dans la trituration de graines oléagineuses, ce complexe stratégique couvre déjà plus de 20 % des besoins nationaux en huile brute tout en contribuant à la fabrication d’aliments pour bétail. Il s’impose comme un maillon essentiel de la sécurité alimentaire du pays.
Le secteur agroalimentaire s’affirme aujourd’hui comme le deuxième pilier industriel national après les hydrocarbures, représentant à lui seul 40 % du chiffre d’affaires industriel. Cette montée en puissance résulte d’une volonté politique assumée : améliorer la production locale, élever la qualité des produits transformés, atteindre l’autosuffisance et positionner les produits algériens sur les marchés internationaux.
Les réformes économiques engagées ces dernières années, combinées à une stratégie de soutien à l’investissement et à la relance des unités confisquées, ont dynamisé l’ensemble du tissu agro-industriel, qu’il soit public ou privé.
L’Algérie compte désormais sur un écosystème industriel varié, allant des grandes entreprises aux PME actives dans les filières céréalières, sucrières, oléagineuses, laitières ou encore les boissons. Plusieurs projets structurants ont récemment été concrétisés.
À Boumerdès, la raffinerie de sucre Tafadis, inaugurée en mai, affiche une capacité de production de 2000 tonnes par jour, dont 1350 tonnes de sucre blanc raffiné. Son silo de stockage de 62 000 tonnes assure une autonomie de production d’un mois, gage de sécurité d’approvisionnement.
Dans la transformation des fruits et légumes, le groupe La Belle s’est illustré avec son usine de Sidi Khettab (Relizane), opérationnelle depuis fin 2022. Capable de produire 876 tonnes de concentré de tomate par jour, l’entreprise a déjà lancé un projet d’extension de plus de 15 milliards de dinars, témoignant de la confiance des acteurs privés dans le potentiel du marché local.
D’autres groupes, comme Cevital ou Berrahal, renforcent leurs capacités. Ce dernier a porté la production de sucre à 450 000 tonnes par an en 2024, avec une projection à 825 000 tonnes grâce à l’extension de son site de Tafraoui.
L’avenir du secteur repose également sur des mégaprojets structurants. À Ouargla, la nouvelle usine de Tafadis produira du sucre à partir de betterave sucrière, pour un investissement dépassant 80 milliards de dinars. Ce projet s’inscrit dans une volonté de diversification des sources d’approvisionnement et d’adaptation aux conditions climatiques locales.
Le projet Baladna-Algérie, dans la wilaya d’Adrar, se distingue par son envergure. Porté par un investissement de 3,5 milliards USD, il regroupera un élevage de 272 000 vaches et une usine de transformation couvrant jusqu’à 50 % des besoins du pays en poudre de lait. Ce complexe intégré, unique dans la région, incarne l’ambition nationale de combler un déficit historique en produits laitiers.
De Jijel à Adrar, en passant par Boumerdès, Ouargla ou Relizane, une nouvelle carte agro-industrielle est en train de se dessiner. Elle est portée par des investissements massifs, une vision politique claire et la mobilisation du secteur privé. Si le chemin vers l’autosuffisance reste exigeant, les fondations posées aujourd’hui renforcent la résilience du pays face aux crises alimentaires mondiales.
Cette dynamique place l’agro-industrie au cœur du processus de diversification économique, dans une Algérie tournée vers l’avenir, moins dépendante des hydrocarbures et plus souveraine dans son alimentation.
