Le Royaume-Uni exclut les responsables israéliens du salon DSEI : un signal diplomatique fort mais ambivalent
Par : Amani H.
Londres, le 31 août 2025 — À deux semaines de l’ouverture du salon international de l’armement DSEI (Defence and Security Equipment International), prévu du 9 au 12 septembre à Londres, le gouvernement britannique a pris une décision inédite : aucun représentant officiel de l’État d’Israël ne sera convié à l’événement. Selon les autorités britanniques, cette mesure est motivée par « l’intensification des opérations militaires » menées par Israël dans la bande de Gaza, où la situation humanitaire continue de se dégrader.
Une exclusion politique, mais une présence économique maintenue
Si la décision semble marquer une prise de distance diplomatique vis-à-vis de Tel-Aviv, elle n’en reste pas moins partielle. Les entreprises d’armement israéliennes — notamment des géants comme Elbit Systems ou Rafael Advanced Defense Systems — seront toujours autorisées à exposer leurs produits, dont certains ont été testés en conditions réelles lors des récentes offensives dans les territoires palestiniens.
Cette distinction entre le politique et l’économique a suscité des critiques, notamment de la part d’organisations de défense des droits humains et de militants anti-guerre, qui dénoncent une « hypocrisie manifeste » de la part de Londres. En effet, malgré le retrait symbolique des responsables israéliens, la coopération militaire et technologique se poursuit en coulisses, témoignant de liens stratégiques persistants.
Un tournant dans l’approche britannique ?
Historiquement, le Royaume-Uni est l’un des plus fidèles alliés d’Israël, derrière les États-Unis. Depuis la Déclaration Balfour en 1917, qui annonçait le soutien britannique à l’établissement d’un « foyer national juif » en Palestine, Londres a joué un rôle fondateur dans le développement du projet sioniste, notamment durant la période du mandat britannique (1920-1948).
Durant ces années, l’administration coloniale britannique a facilité l’immigration juive européenne en Palestine, réprimé dans le sang les soulèvements palestiniens (notamment la Grande Révolte de 1936-1939), et préparé le terrain à la Nakba — l’expulsion massive de plus de 700 000 Palestiniens en 1948 lors de la création de l’État d’Israël. Ce passé colonial continue d’alimenter les critiques sur les responsabilités historiques du Royaume-Uni dans la situation actuelle au Proche-Orient.
Mais le contexte international évolue, et le climat politique britannique change lui aussi. La montée de la pression populaire, les mobilisations pro-palestiniennes massives dans plusieurs villes du pays, et une opinion publique de plus en plus critique à l’égard de la politique israélienne, semblent forcer la main au gouvernement.
Une mise à l’écart révélatrice de l’isolement israélien
Cette exclusion diplomatique, même partielle, s’inscrit dans une tendance mondiale plus large : celle de l’isolement croissant du gouvernement Netanyahou, affaibli sur la scène internationale par ses politiques d’extrême droite, ses attaques répétées contre la société civile palestinienne, et les violations du droit international régulièrement documentées à Gaza et en Cisjordanie.
Les figures ultranationalistes comme Itamar Ben Gvir et Bezalel Smotrich, membres clés du gouvernement israélien, cristallisent les critiques, même chez certains alliés traditionnels. Face à une offensive militaire sans précédent dans la bande de Gaza et à un bilan humain catastrophique, la patience diplomatique des capitales occidentales s’amenuise.
Un symbole plus qu’un changement de cap
Si cette décision britannique ne met pas fin à la collaboration sécuritaire entre Londres et Tel-Aviv, elle envoie néanmoins un signal politique clair : la protection automatique dont jouissait Israël dans les enceintes diplomatiques occidentales n’est plus garantie. Ce tournant, même timide, témoigne d’un rééquilibrage progressif dans les relations internationales autour du conflit israélo-palestinien.
Reste à savoir s’il s’agit d’un simple geste symbolique pour calmer les tensions intérieures, ou du début d’un repositionnement réel de la diplomatie britannique. Dans tous les cas, cette exclusion révèle une fissure dans le front des alliés occidentaux traditionnels d’Israël, et pourrait préfigurer d’autres mesures similaires dans les mois à venir.