Crise des pneumatiques en Algérie : entre pénurie persistante et espoirs industriels
La pénurie de pneus en Algérie atteint un nouveau pic à l’approche de la rentrée sociale, provoquant une vague de colère sur les réseaux sociaux. Des automobilistes, excédés, interpellent les hautes autorités du pays, dénonçant une situation qui met non seulement en péril leurs déplacements quotidiens, mais surtout la sécurité routière. En effet, les pneumatiques, en tant que seul point de contact entre un véhicule et la route, sont essentiels à la stabilité et au freinage. Des pneus usés ou défectueux représentent un danger, même si les autres composants du véhicule sont en bon état.
Le marché est d’autant plus tendu que les prix des rares pneus disponibles ont explosé. Un exemple frappant : un pneu pour une petite voiture Marruti, vendu à moins de 3 000 DA l’année dernière, atteint aujourd’hui les 12 000 DA, soit une multiplication par quatre en un an.
Enquête nationale et tensions sur l’importation
Face à cette situation, les Directions du commerce intérieur et du contrôle du marché dans plusieurs wilayas ont été mobilisées dans le cadre d’un plan national de régulation. Une enquête approfondie sur la chaîne de distribution a été lancée pour retracer le parcours du pneumatique, de l’importateur jusqu’au point de vente. Objectif : contrôler les prix, prévenir la spéculation et garantir la transparence des stocks.
Selon des sources au ministère du Commerce, cette opération vise également à contraindre les distributeurs à déclarer tous les stocks disponibles, tandis que toute hausse injustifiée de prix sera considérée comme acte spéculatif passible de sanctions. Toutefois, des importateurs pointent du doigt une autre cause : l’arrêt ou la forte baisse des importations, notamment depuis février-mars 2025, en raison de la dissolution d’Algex, l’organisme qui délivrait les autorisations d’importation.
Des mesures d’urgence déjà lancées
La crise n’est pas nouvelle : elle dure depuis plus de deux ans et avait déjà connu un pic en septembre dernier. À l’époque, le gouvernement avait confié à Naftal l’importation d’urgence de 300 000 pneus, dont une première cargaison de 100 000 unités avait été réceptionnée à Oum El Bouaghi. Cette opération avait alors permis de soulager temporairement le marché.
Mais la situation reste fragile. La récente fermeture temporaire de l’usine Iris de Sétif pendant 15 jours, même si elle pourrait n’être qu’un arrêt technique de maintenance, a contribué à aggraver la pénurie actuelle. Iris Tyres, seul producteur national actif, fournit environ 2 millions de pneus par an, soit moins de 30 % des besoins du marché, estimés à plus de 7 millions d’unités annuellement.
Cap vers l’autosuffisance en 2026
Des perspectives plus encourageantes émergent toutefois à moyen terme. En juillet 2025, la pose de la première pierre de l’usine SHLI d’Oran a marqué le début d’un nouveau chapitre. Selon les responsables de l’Agence algérienne de promotion de l’investissement (AAPI), trois autres projets sont en préparation : une extension de l’usine Iris à Sétif, ainsi que deux nouvelles unités à Touggourt et Aïn M’lila.
D’ici à fin 2026, ces projets devraient porter la capacité de production nationale à 20 millions de pneus par an, soit près du triple des besoins actuels. Cette montée en puissance industrielle pourrait transformer l’Algérie en exportateur net de pneumatiques, selon les prévisions de l’AAPI.
Pour sa part, SHLI annonce une production initiale de 7 millions de pneus/an, dont 1 million pour poids lourds et 6 millions pour véhicules légers. Ce projet stratégique permettrait de réduire les importations de 200 millions de dollars et de générer jusqu’à 300 millions de dollars d’exportations.
Une transformation structurelle encore à concrétiser
En attendant que ces usines entrent en production, le retour à la normale dépendra largement de la reprise rapide des importations et de la mise en place d’un cadre clair pour leur gestion. Le gouvernement est attendu sur une réorganisation urgente du système d’autorisation, à la suite de la disparition d’Algex, afin de réduire les goulets d’étranglement administratifs qui freinent les importateurs.
Pour l’heure, la crise persiste, avec un impact direct sur les usagers, mais aussi sur les transporteurs et l’économie en général. La disponibilité des pneus reste un enjeu crucial de sécurité routière et de continuité des services, dans un pays où le transport routier est vital.
