Retour en force de l’Espagne sur le marché algérien, mais l’Italie conserve sa suprématie
Par : Amani H.
Après plus de deux ans d’éclipse sur la scène économique algérienne, l’Espagne opère un retour remarqué grâce à la normalisation des relations diplomatiques avec Alger, intervenue à l’automne 2024. Ce réchauffement a permis une relance rapide des échanges bilatéraux, marquée par une spectaculaire hausse de 162 % des exportations espagnoles au premier semestre 2025.
Selon les données relayées par les médias espagnols, les exportations vers l’Algérie ont atteint près de 900 millions d’euros entre janvier et mai 2025, contre 332 millions sur l’ensemble de l’année 2023, alors encore plombée par les restrictions imposées par Alger en réaction au revirement espagnol sur la question du Sahara occidental. Ce rebond est notamment porté par la levée du gel des opérations commerciales décidée par la Banque d’Algérie en novembre 2024.
Un redéploiement sectoriel rapide
Le secteur de la céramique illustre particulièrement bien ce redressement. En seulement deux mois, entre janvier et février 2025, les exportations espagnoles dans ce domaine ont atteint 17,8 millions d’euros, talonnant les 19 millions d’euros réalisés par l’Italie, longtemps seul fournisseur européen durant la crise. Loin derrière, la Turquie ne totalise que 9,5 millions d’euros sur toute l’année 2024.
Mais le redéploiement espagnol ne se limite pas à la céramique. D’autres secteurs tels que l’automobile, l’agrochimie, les machines-outils, les cosmétiques et les viandes enregistrent une reprise significative. La proximité géographique entre les deux pays et la complémentarité de leurs structures industrielles offrent, selon les observateurs, des perspectives d’intégration renforcée des chaînes de valeur.
Le retour des grands groupes espagnols
Ce retour s’incarne également dans le retour actif de grands groupes espagnols dans les domaines de l’énergie et de l’ingénierie. Le géant Cepsa a signé en juillet 2023 un protocole d’accord avec Sonatrach pour un projet de production de 200 MW d’hydrogène vert, destiné à l’exportation vers l’Europe via le corridor SouthH2. Naturgy, déjà fortement implanté grâce à sa participation à 49 % dans le gazoduc Medgaz, reste un partenaire stratégique pour l’approvisionnement énergétique de l’Espagne.
Par ailleurs, le groupe Técnicas Reunidas joue un rôle central dans la relance du méga projet de raffinerie de Hassi Messaoud. Détenue à 51 % par l’entreprise espagnole dans le cadre d’une joint-venture avec Sonatrach et le chinois Sinopec, cette initiative représente un investissement de 2 milliards de dollars sur un total estimé à 4 milliards d’euros.
Une concurrence italienne toujours dominante
Malgré ce retour dynamique, l’Espagne reste à la traîne face à l’Italie, qui a su consolider sa position durant la crise. En 2024, les exportations italiennes vers l’Algérie ont atteint 2,9 milliards d’euros, soit plus de trois fois le niveau espagnol.
Cette domination s’explique par une stratégie italienne diversifiée, au-delà des seuls approvisionnements en gaz naturel (9,4 milliards d’euros en 2024). L’Italie a renforcé sa présence industrielle dans des domaines stratégiques comme la pétrochimie, les machines spécialisées, le raffinage et la chimie, profitant habilement du vide temporaire laissé par l’Espagne et la France.
Dans cette recomposition des équilibres commerciaux européens en Algérie, c’est la France qui enregistre le plus net recul. Longtemps premier partenaire économique du pays, elle est désormais reléguée derrière l’Italie et l’Espagne. Incapable de tirer avantage de la brouille entre Alger et Madrid, la France a vu son influence s’éroder davantage, affaiblie par une politique intérieure dominée par l’instabilité et des positionnements diplomatiques jugés peu lisibles par ses partenaires algériens.
Une reconstruction de la confiance à bâtir
Si le retour de l’Espagne est significatif en volume, il reste conditionné à une reconstruction durable de la confiance. La crise de 2022 a laissé des traces, et malgré la levée des blocages, les relations bilatérales nécessitent un renforcement des investissements directs, une consolidation de la présence industrielle sur le sol algérien et une stratégie d’ancrage à long terme.
L’Espagne est de retour, mais la compétition régionale est désormais plus féroce que jamais.