Olympique Lyonnais : un avenir en Ligue 1 suspendu à 200 millions d’euros, une gouvernance en crise et des soupçons accablants sur John Textor
L’Olympique Lyonnais joue son avenir à quitte ou double. Ce jeudi, le club septuple champion de France comparait en appel devant la DNCG, le gendarme financier du football français, après avoir été sanctionné d’une relégation administrative en Ligue 2. Une sentence lourde de conséquences, qui pourrait bouleverser durablement le paysage du football hexagonal si elle venait à être confirmée. Pour éviter le pire, l’OL doit impérativement présenter des garanties financières colossales : 200 millions d’euros au total, dont 100 millions à injecter immédiatement, et 100 millions supplémentaires à sécuriser pour l’exercice à venir.
Ce rendez-vous crucial arrive dans un contexte de fragilité économique extrême pour le club rhodanien, déjà pénalisé sur le plan européen. L’UEFA a en effet récemment infligé à l’OL une amende significative pour non-respect du fair-play financier, aggravant encore davantage une situation comptable sous tension. Derrière les chiffres, c’est tout un club historique qui vacille, entre problèmes de gouvernance, mauvaise gestion des effectifs, et opérations financières suspectes sur fond de conflit d’intérêts.
Une pression financière colossale : 200 millions ou la relégation
Au cœur de ce dossier explosif : la nécessité pour l’OL de réunir en un temps record des sommes astronomiques. Pour convaincre la DNCG d’annuler la relégation en Ligue 2, le club doit injecter 100 millions d’euros dans ses comptes avant jeudi, et garantir l’arrivée de 100 millions supplémentaires d’ici la fin de la saison.
Un véritable défi financier que la nouvelle présidente de l’OL, Michele Kang, tente de relever en urgence. Propriétaire majoritaire de l’équipe féminine, Kang a pris la tête de l’ensemble du club dans un climat chaotique hérité de la gestion controversée de John Textor et du groupe Eagle Football, structure propriétaire du club lyonnais depuis décembre 2022.
Selon L’Équipe, Kang espère parvenir à cette injection initiale grâce à une mobilisation des actionnaires, à des ventes de joueurs et au soutien de fonds d’investissement comme ARES, déjà engagé dans l’écosystème Eagle. Une piste évoquée consisterait à céder Lucas Perri, gardien brésilien très convoité en Premier League, pour plusieurs millions d’euros.
Une gestion « scabreuse » sous Textor, selon les révélations
Mais la pression actuelle ne s’explique pas uniquement par les sanctions de la DNCG ou par un manque de résultats sportifs. Selon les révélations explosives du journal L’Équipe, c’est la gestion même du club par John Textor qui serait à l’origine du gouffre financier.
Le quotidien sportif évoque une possible utilisation des ressources lyonnaises pour financer les succès d’un autre club détenu par Textor : Botafogo, au Brésil. Trois transferts sont ainsi pointés du doigt :
- Igor Jesus, transféré d’Al-Shabab à Botafogo gratuitement à l’été 2024.
- Jair Cunha, acheté à Santos pour 12 millions d’euros cet hiver.
- Luiz Henrique, transféré du Betis Séville à Botafogo pour 16 millions d’euros, puis revendu rapidement au Zenit Saint-Pétersbourg.
Ces opérations, censées ne concerner que le club brésilien, auraient en réalité été financées via des flux économiques dépendant de l’OL, sans que le club français ne bénéficie directement des retombées sportives ou financières. Au total, les droits économiques concernés représenteraient près de 91,7 millions d’euros, selon les estimations de L’Équipe.
Une technique financière opaque : l’affacturage en question
Par ailleurs, John Textor aurait également eu recours à une pratique financière controversée : l’affacturage. Cette méthode consiste à vendre ses créances futures à une société tierce, souvent à un prix inférieur, pour obtenir immédiatement de la trésorerie. Utilisée à outrance, cette stratégie peut provoquer un déséquilibre durable des finances, en sacrifiant le futur pour financer le présent.
Toujours selon L’Équipe, l’Olympique Lyonnais aurait été au cœur de ces montages, assumant les risques et les pertes sans bénéficier directement des gains générés ailleurs dans l’univers Eagle. Cette méthode, opaque pour les observateurs extérieurs, expliquerait en partie le déséquilibre structurel qui a mené le club devant la DNCG.
Une masse salariale et un effectif hors de contrôle
Autre révélateur d’un pilotage chaotique : la gestion de l’effectif professionnel. L’Olympique Lyonnais comptait 54 joueurs salariés sous contrat cette saison, un chiffre anormalement élevé pour un club de Ligue 1. Si l’on y inclut les jeunes de l’équipe Pro2 et les prêts, cela reste une gestion peu rationnelle, loin de la rigueur des années Jean-Michel Aulas, pourtant lui-même adepte de la préservation des actifs sportifs.
Ce gonflement incontrôlé de la masse salariale ne correspond pas aux performances sportives du club, qui a passé une partie de la saison dans la zone de relégation avant un redressement tardif. C’est aussi un point d’alerte pour les instances : une politique sportive mal alignée sur la réalité économique, marquée par des recrutements à effet d’annonce mais sans cohérence globale.
Une gouvernance remise en question
Depuis son rachat par John Textor, l’OL est devenu un maillon d’un conglomérat mondial, aux côtés de Botafogo, du RWD Molenbeek (Belgique), et de Crystal Palace (Angleterre, où Textor est actionnaire minoritaire). Si cette approche « multi-club » est devenue une tendance dans le football moderne, elle suppose une gouvernance rigoureuse et transparente, ce qui semble loin d’être le cas dans le cas lyonnais.
Le départ de Jean-Michel Aulas, figure tutélaire du club pendant plus de 35 ans, a laissé un vide que ni Textor ni ses relais n’ont su combler. La nomination récente de Michele Kang semble marquer une tentative de reprise en main, mais les délais sont courts, et les défis nombreux.
L’heure de vérité
Ce jeudi, c’est bien la survie sportive et institutionnelle de l’Olympique Lyonnais qui se joue devant la DNCG. Si les garanties financières ne sont pas jugées suffisantes, le club sera relégué en Ligue 2, un tremblement de terre pour le football français, qui verrait l’un de ses clubs historiques quitter l’élite non pas pour des raisons sportives, mais pour une gestion déficiente et potentiellement malhonnête.
Les supporters, eux, oscillent entre inquiétude et colère. La saison à venir reste suspendue à des signatures, des transferts, des injections de capital… et à une forme de vérité que beaucoup redoutaient mais qui éclate désormais au grand jour : le modèle Eagle est en train d’échouer à Lyon.