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Soirée chaâbie à Alger : les maîtres et leurs héritiers réunis sur la scène de la Salle Ibn Khaldoun

Vendredi soir, la mythique Salle Ibn Khaldoun, nichée au cœur d’Alger, a été le théâtre d’un concert de musique chaâbie aussi sobre qu’émouvant, rassemblant des figures majeures du genre et de jeunes artistes qui perpétuent avec fierté l’héritage d’El Hadj M’Hamed El Anka, le maître incontesté de cette tradition musicale algéroise. Si l’affluence n’a pas été à la hauteur de l’affiche, l’intensité musicale et émotionnelle, elle, n’a pas manqué au rendez-vous.

Dans une ambiance intimiste, une centaine de spectateurs, visiblement connaisseurs, ont répondu présent pour assister à cette soirée consacrée au chaâbi. Une affiche riche avec quatre chanteurs à l’honneur : Noureddine Alane, Kamel Aziz, Abdelkader Chercham et Mehdi Tamache. Entre figures de la nouvelle génération et doyens issus de l’école du Cheikh El Anka, le spectacle s’annonçait comme un dialogue musical entre les âges, tissé de poésie populaire, de spiritualité et d’exigence musicale.

Le concert s’est ouvert avec Noureddine Alane, qui a saisi son mandole pour lancer sa prestation dans le mode Zidène, l’un des plus expressifs du chaâbi. Dès les premières notes, le public a été embarqué dans un voyage sonore profond, ponctué de titres emblématiques comme Habiba et Zarni dhey t’madi. Il a conclu avec les pièces Kane mâakoum djet et Selli houmoumek, suscitant une salve d’applaudissements nourris et de youyous.

La scène a ensuite accueilli Kamel Aziz, qui a tenu à exprimer son émotion et sa reconnaissance de pouvoir chanter aux côtés de ses aînés. Sa prestation s’est orientée vers un registre plus spirituel, avec les pièces Allah yelt’ha b’hamou et Ya djed El Hasniya ya taha, interprétées dans les modes Raml el maya et Sehli. Il a terminé avec une pièce en M’khiless, Daâni ya nadim fi chorbi, qui a révélé une sensibilité à fleur de peau.

L’accompagnement musical était assuré par un orchestre de six musiciens chevronnés, dirigé par Karim Semmar au piano. La section rythmique, menée par Samir Assas à la derbouka et Mohamed Bendjoudi au tar, apportait une richesse percussive soutenue par les cordes de Kheireddine Hattali au banjo-guitare, Mohamed Amine Sid au banjo-ténor, et les violonistes Nazim Bouchelit et Mahmoud Boukhefardji, tous deux au violon alto. L’ensemble offrait une profondeur harmonique qui sublimait les voix des chanteurs.

Sous un éclairage soigné et une mise en scène épurée, Cheikh Abdelkader Chercham a fait une entrée chaleureusement saluée par le public, qui s’est levé pour l’accueillir. Marqué par l’émotion, l’artiste s’est arrêté quelques instants, touché par cette ovation. Il a ensuite livré un récital puissant et maîtrisé, interprétant avec brio des classiques comme Ya dif Allah, Idha n’mout biya Fettouma, Youm el djemâa ou encore Ya Rabbi sehel’li marra. Fidèle à son habitude, Chercham a chanté sans partition, s’appuyant sur la mémoire vivante d’un long parcours musical.

La clôture de la soirée a été assurée par Mehdi Tamache, très attendu par une assistance déjà conquise. Il a été accueilli par une ovation debout. Pour l’occasion, il a interprété un titre rare d’El Hadj M’Hamed El Anka, Men habbek ya qalb habbou, qu’il a magnifié dans le mode Moual, avec une incursion dans les tonalités relevées du Zidane. Sa voix de ténor, marquée par une claire influence ankaouie, a résonné avec intensité dans la salle. Il a terminé son passage avec deux morceaux empreints de spiritualité, Lik Amri ya Rab et Ya Rassoul Allah, qui ont déclenché une vague d’émotion et de ferveur parmi les spectateurs rassemblés au pied de la scène.

À l’issue du concert, les artistes ont été longuement applaudis, salués pour la qualité de leurs prestations et l’authenticité de leur répertoire. Ce moment de communion musicale entre les générations s’inscrit dans le cadre d’un programme d’animations plus large, mis en place par l’Établissement Arts et Culture de la Wilaya d’Alger. Ce programme prévoit une série d’événements artistiques et musicaux dans diverses salles et espaces publics de la capitale, avec pour ambition de promouvoir la diversité culturelle algérienne.

En dépit d’une affluence modeste, cette soirée chaâbie a démontré une fois de plus que la musique populaire algéroise conserve toute sa pertinence, sa beauté et sa capacité à fédérer autour de textes profonds et de mélodies intemporelles. Un héritage vivant, transmis avec respect et passion par des artistes engagés.

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