Vladimir Poutine accueille favorablement la proposition de réduction des dépenses militaires américaines, mais les enjeux restent complexes
Par : Amani H.
Le président russe Vladimir Poutine a surpris l’opinion publique lundi en qualifiant de « bonne idée » la proposition de son homologue américain, Donald Trump, visant à réduire de moitié les dépenses militaires des États-Unis, de la Russie et de la Chine. Une déclaration étonnante à l’heure où la Russie, confrontée à la guerre en Ukraine, a fortement augmenté ses dépenses de défense pour soutenir son effort militaire, et où les tensions économiques liées à cette guerre se font de plus en plus sentir.
Lors d’une interview télévisée, Poutine a indiqué que la Russie serait ouverte à des discussions bilatérales avec les États-Unis concernant une réduction des budgets de défense. « Nous pourrions conclure un accord avec les États-Unis : les États-Unis réduiraient de 50 % et nous réduirions de 50 % », a-t-il déclaré, tout en précisant que cette proposition était « une bonne idée ». Cependant, cette déclaration semble en contradiction avec la réalité budgétaire actuelle de la Russie, dont les dépenses militaires ont augmenté de manière significative depuis le début du conflit en Ukraine. En effet, pour 2024, la part du budget russe consacrée à la défense et à la sécurité représente environ 8,7 % du PIB, un niveau inédit depuis la chute de l’URSS en 1991.
L’énorme écart entre les budgets militaires des deux pays soulève des interrogations. Le budget militaire des États-Unis en 2024 s’élève à 968 milliards de dollars, soit 3,32 % de leur PIB, tandis que celui de la Russie est estimé à 145,9 milliards de dollars, soit 4,7 % de son PIB. Même si les États-Unis acceptaient de réduire de 50 % leurs dépenses, les niveaux resteraient largement déséquilibrés, avec un budget américain qui représenterait encore près de sept fois celui de la Russie. Une telle réduction pourrait cependant permettre à Moscou de limiter la frénésie d’armement, tout en évitant d’entraîner l’économie russe dans une course militaire insoutenable.
Pour Tatiana Kastouéva-Jean, spécialiste des relations internationales et directrice du Centre Russie/Nouveaux États Indépendants de l’Institut français des relations internationales (Ifri), cette proposition pourrait également refléter une tentative stratégique de Vladimir Poutine de ramener les États-Unis à la table des négociations, notamment en ce qui concerne les traités sur l’armement. En effet, Moscou estime que les grandes puissances mondiales se résument aux États-Unis, la Russie et la Chine, et considère les autres pays comme des « vassaux » qui doivent s’intégrer dans l’une ou l’autre sphère d’influence.
Il est difficile de dire si Poutine est sincère dans sa volonté de réduire les dépenses militaires, ou s’il s’agit d’une manœuvre géopolitique visant à renforcer sa position face aux États-Unis et à Donald Trump. La situation en Ukraine et l’absence d’un plan de paix acceptable par Kiev rendent tout accord dans ce domaine quasi impossible tant que le conflit perdure. En outre, la proposition de réduire les dépenses militaires pourrait aussi être perçue comme un moyen de donner un signal de volonté de détente, tout en envoyant un message aux États-Unis sur la nécessité de revoir l’architecture de sécurité mondiale, dont les accords sur le contrôle des armements font partie. Mais, tant que la guerre en Ukraine continue, une telle évolution semble peu probable.
En somme, la déclaration de Poutine pourrait bien être une manœuvre diplomatique et stratégique, un moyen d’envoyer un message à l’Occident tout en préservant la position de la Russie dans la compétition mondiale, mais sa véritable portée reste incertaine.