La crise au Sahel nécessite une approche politique et humanitaire, selon Alex Vines de Chatham House
Par : Amani H.
La résolution de la crise grandissante au Sahel requiert, selon Alex Vines, directeur du programme Afrique au think tank britannique Chatham House, une « réponse politique à multiples facettes ». Lors d’une conférence organisée à Alger par l’Institut diplomatique et des relations internationales (IDRI), sous le thème « L’Afrique de l’Ouest et le Sahel: lutter contre le terrorisme, les coups d’Etat et l’instabilité », Vines a insisté sur l’importance de repenser les stratégies actuelles pour la stabilisation de la région.
Pour ce chercheur, une réponse efficace devrait se concentrer sur des projets de développement à petite échelle, adaptés aux réalités locales des zones touchées par l’insécurité. Ces initiatives devraient avant tout inclure des réponses humanitaires, de même que des investissements dans des infrastructures publiques et des programmes sociaux pour les jeunes, notamment ceux en situation de précarité. Ces projets seraient cruciaux pour restaurer la confiance et lutter contre les racines profondes de l’instabilité.
Vines a également souligné que les efforts contre le radicalisme, au-delà des seules mesures sécuritaires, ont montré leur efficacité et doivent être renforcés. Il a cité l’exemple de la Côte d’Ivoire, qui, en 2022, a lancé son « Programme spécial du Nord ». Ce programme combine sécurité, investissements publics et initiatives sociales pour les jeunes du nord du pays, une approche qu’il considère comme un modèle à suivre.
Le chercheur a aussi salué les efforts de l’Algérie dans la lutte contre le terrorisme, mettant en lumière son rôle « important » au Conseil de sécurité de l’ONU, tout en soulignant l’exemple du Mozambique, qui a réussi une stabilisation post-conflit grâce à un processus combinant désarmement, démobilisation et prise en compte des inégalités politiques et sociales.
Repenser la gouvernance et éviter la militarisation excessive
Par ailleurs, Vines a critiqué la « militarisation quasi-totale » de la politique sahélienne par certains acteurs extérieurs, en particulier la France. Il considère que cette approche a été « contre-productive » dans la lutte contre la violence, dont les racines sont selon lui liées à des problèmes structurels, notamment la marginalisation des populations et la pénurie de ressources. Il a insisté sur la nécessité de « revitaliser » le contrat social dans la région, en s’attaquant aux inégalités sociales et en améliorant les conditions de vie et de gouvernance.
L’un des points clés de son analyse réside dans l’identification des causes profondes des conflits dans le Sahel. Vines a rappelé que la région, malgré son potentiel économique, reste la plus affectée par les conflits armés et les crises, une situation aggravée par une combinaison de défis tels que le changement climatique, les pressions démographiques et les défaillances de la gouvernance. Ces facteurs entravent le développement équitable et l’essor économique des pays sahéliens.
Une « ceinture d’instabilité » au Sahel et en Afrique de l’Ouest
Vines a fait le constat que la région du Sahel, bien que riche en ressources et en potentiel économique, reste une zone où les conflits armés et l’instabilité politique prolifèrent. « Malgré son potentiel économique, le Sahel est la région du monde qui connaît le plus grand nombre de conflits armés et de crises », a-t-il déploré, qualifiant la zone d' »arc d’instabilité » ou de « ceinture de coups d’Etat », s’étendant de l’océan Atlantique à la mer Rouge. Cette instabilité a engendré des déplacements massifs de populations, avec environ sept millions de personnes déplacées à ce jour.
L’échec du maintien de la paix traditionnel face au terrorisme transnational
Enfin, le chercheur a mis en garde contre les limites des approches traditionnelles de maintien de la paix, notamment celles des Nations unies, face aux défis du terrorisme transnational et asymétrique qui frappent l’Afrique. Pour lui, ces défis exigent une nouvelle approche, davantage adaptée aux réalités contemporaines, qui prenne en compte les dimensions régionales et transnationales de la crise sécuritaire et démocratique qui frappe l’Afrique de l’Ouest.
Alex Vines a ainsi appelé à une « réflexion nouvelle » sur la manière de répondre aux crises complexes qui secouent le Sahel, soulignant qu’une approche combinée de sécurité, de développement et de gouvernance est indispensable pour restaurer la paix et la stabilité dans cette région en crise.
