Le revirement de Trump sur TikTok : Un mélange d’intérêts économiques et politiques

Par : Amani H.

Dans une tribune récemment publiée dans Le Monde, la chercheuse Nathalie Sonnac analyse la décision inattendue de Donald Trump concernant le réseau social chinois TikTok, qu’il avait pourtant menacé de fermer en 2020. Un tournant qui soulève des questions tant sur le plan économique que politique, tout en mettant en lumière les enjeux de pouvoir liés aux médias sociaux.

L’abus de pouvoir dans les médias sociaux : Un principe intemporel

Nathalie Sonnac s’appuie sur une citation de Montesquieu tirée de De l’esprit des lois (1748) pour rappeler que tout homme en position de pouvoir est susceptible d’en abuser. Elle étend cette réflexion aux grandes figures des médias sociaux, à commencer par Elon Musk, qui a joué un rôle majeur lors de la campagne présidentielle de Trump. En tant que propriétaire du réseau social X (anciennement Twitter), Musk a, selon Sonnac, utilisé sa plateforme pour diffuser des désinformations et des discours haineux, tout en modifiant l’algorithme pour favoriser ses propres tweets. Un exemple frappant de l’influence grandissante des milliardaires sur l’espace public numérique.

L’importance de TikTok dans la campagne présidentielle américaine

Le rôle des médias sociaux dans les élections américaines n’est plus à démontrer, et TikTok n’a pas échappé à cette règle. La plateforme chinoise, propriété du groupe ByteDance, a été au centre des préoccupations lors de la campagne présidentielle de 2024. Donald Trump, qui avait initialement voté des décrets pour interdire TikTok sur le sol américain en 2020, accusant la plateforme de recueillir les données des utilisateurs pour les transmettre au Parti communiste chinois, a récemment opéré un revirement surprenant. Alors que TikTok faisait face à une longue bataille juridique contre les autorités américaines, Trump a changé de position en proposant une suspension de son interdiction, avec une offre de vente à une entreprise américaine.

Les raisons de ce revirement

Ce retournement de situation de Trump, alors même qu’il avait lancé une guerre contre l’expansion de TikTok, semble être motivé par deux facteurs principaux : l’économie et la politique.

D’un côté, la vente de TikTok à une entreprise américaine permettrait de garder une part significative de son activité lucrative sur le marché américain. Ce changement d’attitude pourrait également répondre à des intérêts financiers, Trump ayant déjà montré un intérêt pour les grandes entreprises du secteur technologique. TikTok, avec ses centaines de millions d’utilisateurs aux États-Unis, représente un marché juteux qu’il serait difficile d’ignorer.

D’un autre côté, ce revirement pourrait également avoir des implications politiques. L’impact de TikTok sur la culture et l’opinion publique américaine, en particulier parmi les jeunes générations, est considérable. Trump semble désormais vouloir exploiter cette influence, d’autant plus que la plateforme a joué un rôle crucial dans la diffusion des messages et la mobilisation des électeurs durant sa campagne.

Une liberté d’expression à géométrie variable

Dans ce contexte, l’émergence de ce « free speech » ou liberté d’expression totale, défendu par des figures comme Elon Musk, met en lumière les paradoxes des médias sociaux modernes. Alors que ces plateformes sont présentées comme des espaces de liberté d’expression, elles sont en réalité profondément influencées par les puissants acteurs économiques et politiques qui les possèdent. Ce phénomène, que Sonnac appelle « liberté à géométrie variable », pose un problème majeur concernant la régulation et l’éthique de l’information qui y circule.

Conclusion : Une décision aux multiples facettes

Le revirement de Trump vis-à-vis de TikTok n’est qu’un exemple parmi d’autres de l’influence grandissante des milliardaires et des grandes entreprises technologiques sur l’espace public et politique. Derrière cette décision se cachent des enjeux bien plus complexes qu’une simple question de sécurité nationale. TikTok, au même titre que d’autres plateformes, participe à la fragmentation de la société, avec ses effets sur la démocratie, la diffusion de fausses informations et la manipulation de l’opinion publique. La question reste ouverte : jusqu’où ces géants technologiques continueront-ils à redéfinir les règles du jeu de la politique mondiale ?