La Stratégie de Modernisation du Secteur de la Viande en Algérie : Vers une Autonomie Durable
Par : Amani H.
Le secteur de la viande en Algérie, confronté à des défis structurels de plus en plus complexes, se trouve à un tournant décisif. Face à une demande en constante augmentation et une production nationale insuffisante, le gouvernement, en collaboration avec les acteurs du secteur, a décidé de mettre en place une série de réformes ambitieuses pour garantir un approvisionnement stable et à prix abordables.
Lors d’une rencontre régionale à Sétif, Mohamed Yazid Hambli, président de la Chambre nationale de l’agriculture (CNA), a souligné l’importance de la création d’un marché de gros des viandes, conçu pour répondre aux normes internationales. Ce projet, qui vise à établir un prix de référence pour les viandes et à garantir une concurrence équitable entre les différents acteurs, pourrait être la clé de la régulation du marché.
Un marché de gros pour maîtriser les prix
« La création d’un marché de gros des viandes est un pas essentiel pour stabiliser l’offre et les prix, » a expliqué Hambli lors de la rencontre. Selon lui, cette initiative permettrait non seulement de contrôler l’augmentation des prix, mais aussi de dynamiser les investissements dans la filière de la viande. En instaurant un cadre compétitif et transparent, ce marché de gros pourrait offrir un contrôle centralisé des stocks et une meilleure gestion des flux de produits.
Le président de la CNA a également mis en avant la nécessité d’investir dans des technologies de pointe et d’améliorer la productivité des éleveurs. Selon lui, l’amélioration génétique des espèces locales et l’introduction de l’intelligence artificielle pour les systèmes d’engraissement sont des leviers essentiels pour moderniser la filière.
Une production insuffisante et une dépendance aux importations
La production nationale de viande en Algérie reste inférieure à la demande, ce qui oblige le pays à recourir massivement à l’importation pour combler l’écart. Actuellement, la production mensuelle est estimée à 40 000 tonnes, tandis que les besoins du marché dépassent les 60 000 tonnes. Afin de compenser cette différence, la Loi de Finances 2025 (LF2025) reconduit des mesures fiscales avantageuses pour les importateurs de viande et de cheptel, avec une réduction des droits de douane sur les viandes bovines et ovines ainsi que les cheptels pour l’abattage.
Ces mesures, selon le texte de la LF2025, ont permis une certaine stabilisation des prix l’année dernière et continuent d’être un instrument clé pour maintenir l’équilibre entre l’offre et la demande tout en assurant l’accessibilité des prix pour les consommateurs.
Les défis climatiques et hydriques : un impact sur les éleveurs
Cependant, malgré ces initiatives, la filière fait face à de nombreux obstacles. Le stress hydrique, les coûts élevés des fourrages, et la dégradation des parcours sont des enjeux majeurs qui freinent la croissance de la production nationale. Les éleveurs algériens, notamment ceux installés en zones steppiques, sont directement affectés par les conditions climatiques extrêmes. Pour y faire face, la solution réside dans un soutien accru aux éleveurs, notamment par l’accès à l’eau, aux médicaments vétérinaires et à des formations spécialisées en techniques d’élevage modernes.
Un autre aspect essentiel de la réforme porte sur l’introduction de l’énergie solaire pour l’irrigation. Cette solution, déjà testée dans certaines régions, pourrait permettre de garantir une irrigation constante dans les zones où les ressources en eau sont limitées, en particulier pendant les périodes de sécheresse.
Une vision à long terme : autonomie et développement durable
La stratégie de relance de la filière viande en Algérie repose sur une vision à long terme, avec un objectif clair : atteindre une indépendance alimentaire en matière de viande rouge. Pour ce faire, le gouvernement mise sur une série d’investissements et de réformes afin de renforcer la production locale, réduire les importations et garantir un approvisionnement durable. Cela passe par un renforcement de la filière de l’élevage, la mise en place de zones logistiques modernes pour la gestion des stocks, ainsi qu’une réglementation renforcée pour éviter la spéculation.
Une commission nationale mise en place fin 2024 travaille actuellement sur un plan d’action pour l’augmentation du cheptel national, avec pour objectif de réduire la dépendance aux importations tout en stabilisant les prix et en garantissant des conditions de travail décentes pour les éleveurs.
Vers une autosuffisance : un défi ambitieux mais réalisable
Alors que les défis restent nombreux, la relance de la filière viande en Algérie présente des opportunités de modernisation, de croissance et d’autosuffisance. Avec une combinaison d’investissements dans la technologie, des réformes fiscales et un soutien direct aux éleveurs, l’Algérie pourrait, dans les années à venir, parvenir à réduire sa dépendance aux importations et à garantir une production nationale capable de répondre aux besoins internes. La modernisation du secteur pourrait bien être la clé d’une stabilité durable des prix et d’un marché de la viande plus équilibré pour les consommateurs algériens.
