« Ech’Chabih » : Une Mises en Garde contre les Dangers de l’Intelligence Artificielle et des Technologies Numériques
Par : Amani H.
La générale de la pièce de théâtre « Ech’Chabih » (Le Sosie), présentée samedi dernier au Théâtre national Mahieddine-Bachtarzi (TNA), a captivé un public nombreux et attentif, mettant en lumière les dangers que l’intelligence artificielle et les technologies numériques peuvent engendrer si elles sont laissées sans contrôle. La mise en scène d’Aissa Djekati, d’après un texte de Mustapha Bouri, a captivé par sa réflexion poignante sur les risques existentielles posés par ces avancées technologiques, tout en soulignant la responsabilité des parents face à l’addiction des enfants aux écrans.
Une Histoire de Technologie, de Crimes et de Responsabilité
D’une durée de 70 minutes, « Ech’Chabih » raconte l’histoire d’un chercheur en technologie numérique et en intelligence artificielle qui, dans sa quête pour repousser les limites de la science, crée secrètement un sosie. Ce dernier, dans un retournement tragique, commet plusieurs crimes, laissant son créateur face à une situation où il doit rendre des comptes pour des actions qu’il n’a pas directement commises.
La pièce explore ainsi le thème de l’incapacité à maîtriser les conséquences de ses propres inventions, un phénomène particulièrement pertinent dans un monde où les progrès technologiques évoluent à une vitesse effrayante. Ce dilemme moral est au cœur du spectacle, avec une forte mise en valeur des dangers de la science lorsqu’elle échappe à la rationalité humaine.
Un Jeu Biomécanique pour Illustrer l’Automatisation
Pour accentuer cette réflexion, le metteur en scène Aissa Djekati a fait appel à des chorégraphies innovantes réalisées par Aissa Chouat, qui ont servi à symboliser l’évolution des personnages vers des automates dépourvus de toute humanité. La biomécanique de ces mouvements a permis de rendre visuellement palpable l’idée que l’intelligence artificielle pourrait déshumaniser et même détruire ce que les créateurs avaient cherché à améliorer. Les acteurs, notamment Aissa Chouat, Hadjla Khelladi, Fouzia Brahimi, Toufik Rabhi, Brahim El Khalil Chentoufa, Leila Benatia et Maïssa Ben Aîssa, ont magistralement incarné des personnages pris dans les rouages d’une machine, les rendant presque méconnaissables à mesure qu’ils se transforment en figures mécaniques.
La fin du spectacle renforce cette idée de perte d’humanité, lorsque tous les personnages, vêtus de costumes futuristes créés par Mustapha Chaïb, se transforment en automates, laissant le chercheur seul et désespéré face à la désolation qu’il a provoquée. Ce renversement tragique montre que même les calculs les plus rationnels peuvent mener à une catastrophe imprévue.
Une Scénographie et un Éclairage Propices à l’Atmosphère Futuriste
La scénographie de Mohamed Laïd Hallis, conçue de manière multifonctionnelle avec des blocs amovibles et des faisceaux lumineux multicolores, a ajouté une dimension futuriste au spectacle. Les plaques électroniques et les circuits intégrés ont renforcé l’impression de manipulations scientifiques poussées dans des laboratoires froids et secrets. L’éclairage feutré et sombre a créé une atmosphère propice à l’incertitude, illustrant la dualité entre des manipulations scientifiques supposées logiques et rationnelles et les conséquences incontrôlables qui en découlent.
L’ambiance visuelle était parfaitement soutenue par la bande sonore de Zakari Bensaleh. À travers des nappes sonores planantes et des rythmes saccadés, la musique a sublimé les mouvements des automates, évoquant l’inquiétude, la perte de contrôle et la peur du néant, des thèmes qui traversent l’ensemble du spectacle. Ces choix sonores ont contribué à installer une tension palpable, tenant le public en haleine tout au long de la représentation.
Un Spectacle Applaudi pour son Intégration Artistique
Au terme du spectacle, l’intensité dramatique du sujet a suscité une ovation chaleureuse du public, qui a applaudi longuement les comédiens, le metteur en scène, ainsi que l’ensemble du personnel artistique et technique. « Ech’Chabih » n’est pas seulement un divertissement théâtral, mais un appel à la réflexion profonde sur les directions que pourrait prendre notre société à mesure que l’intelligence artificielle et les technologies numériques continuent de façonner nos vies. À travers ce spectacle, le Théâtre national Mahieddine-Bachtarzi (TNA) invite chacun à se questionner sur les risques inhérents au progrès technologique et la manière dont l’humanité pourrait perdre son contrôle face à ses propres créations.
Le message est clair : l’addiction numérique et l’intelligence artificielle incontrôlée sont des dangers qui doivent être abordés avec sérieux et responsabilité, tant par les scientifiques que par les citoyens.
