Tunisie : une grève de la faim collective pour rappeler que la lutte démocratique ne s’emprisonne pas
Le 22 décembre 2025 marque le début d’une grève de la faim collective dans plusieurs prisons tunisiennes. À l’origine de cette mobilisation, l’appel lancé par l’avocat et défenseur des droits humains Ayachi Hammami, lui-même entré en grève de la faim depuis son arrestation le 2 décembre.
Un écho à la grève historique de 2005
Ce geste, à forte portée symbolique, fait directement écho à un moment marquant de l’histoire politique tunisienne : la grève de la faim du 18 octobre 2005 contre le régime de Zine El-Abidine Ben Ali.
Vingt années séparent ces deux événements, mais le parallèle est frappant. En 2005, la grève avait contribué à structurer une opposition plurielle face à un pouvoir autoritaire. En 2025, le contexte diffère, mais la logique répressive et le verrouillage de l’espace politique raviven des réflexes que l’on pensait révolus. L’entrée en grève d’Ayachi Hammami depuis sa cellule s’inscrit dans cette continuité historique : celle d’un combat démocratique qui refuse de s’éteindre sous la contrainte.
Transformer la prison en lieu de résistance
Dès le jour de son arrestation, Hammami a annoncé sa décision de transformer sa détention en acte de résistance. Pour lui, l’incarcération ne saurait être une simple parenthèse silencieuse, mais constitue un prolongement du combat pour les libertés. Son appel à une grève collective vise précisément à briser l’isolement carcéral et à redonner une visibilité politique à celles et ceux que le pouvoir entend reléguer dans l’ombre.
Un appel inclusif et exigeant
La force de cet appel réside dans son caractère inclusif. Il s’adresse aux prisonniers politiques, mais également aux syndicalistes, journalistes, militants associatifs, détenus d’opinion et, plus largement, à toutes les personnes s’estimant victimes de poursuites judiciaires arbitraires. Cette démarche traduit une conception exigeante de la défense des droits, fondée sur l’égalité face à l’injustice et le refus de toute hiérarchisation des causes ou des engagements.
Une constance remarquable
Tout au long de son parcours, Ayachi Hammami s’est distingué par une constance rare. Durant la période de transition démocratique, il est resté à distance des jeux d’appareil et des compromis politiques. Sa brève expérience gouvernementale en 2020, comme ministre des Droits de l’homme, a confirmé les limites de l’action institutionnelle dans un climat de polarisation extrême.
Depuis le tournant autoritaire engagé par le pouvoir en place, il s’est retrouvé de nouveau au cœur de la confrontation, notamment à travers son engagement pour l’indépendance de la justice et la défense des magistrats révoqués.
La grève de la faim, ultime forme de résistance
La grève de la faim demeure l’une des formes de lutte les plus radicales et les plus chargées de sens. Elle engage le corps lorsque toutes les autres voies d’expression sont verrouillées. En choisissant cette forme d’action, les grévistes entendent rappeler que la privation de liberté ne saurait signifier l’abdication politique.
Une question centrale pour l’État de droit
La grève collective du 22 décembre s’inscrit ainsi dans un temps long : celui des résistances qui se transmettent, se transforment et se renouvellent. Elle pose, une fois encore, une question centrale : peut-on parler d’État de droit lorsque la dissidence se paie de la prison ? Pour ses initiateurs, la réponse passe par la mobilisation, même derrière les barreaux.
Cette mobilisation carcérale constitue un rappel puissant que la lutte démocratique ne s’emprisonne pas et que la résistance trouve toujours de nouvelles formes d’expression, même dans les conditions les plus difficiles.
