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Quand des architectes algériens mettent leur créativité au service de leurs villes, bénévolement

Ces dernières années, un élan citoyen singulier gagne du terrain sur les réseaux sociaux en Algérie : celui d’architectes qui proposent gratuitement leurs visions et projets pour améliorer le cadre urbain de leurs villes. Qu’ils soient en activité, au chômage ou engagés dans d’autres métiers, ces professionnels et jeunes talents partagent une même motivation : l’amour de la ville et la volonté de la voir évoluer vers un avenir plus harmonieux.

À Constantine, Balkis Ben Moussa, architecte de formation, fait partie de ces profils engagés. À travers sa page personnelle, elle publie régulièrement des propositions architecturales et se dit prête à offrir son travail, notamment pour des projets à vocation touristique. Pour elle, l’architecture est indissociable du regard porté sur l’espace urbain. « Un architecte ne peut contempler un site remarquable sans imaginer un pont, un bâtiment ou un quartier qui s’y intégrerait naturellement », explique-t-elle. Faute de réponse institutionnelle, elle choisit de rendre publiques ses idées, espérant qu’elles puissent un jour servir l’intérêt général.

Dans la même ville, plusieurs bureaux d’architecture exposent leurs concepts en ligne, en particulier pour la valorisation des zones touristiques emblématiques, comme les abords des ponts suspendus ou les sites patrimoniaux. Certains vont jusqu’à recourir à l’intelligence artificielle afin d’affiner leurs modèles, tout en veillant à préserver l’identité architecturale de Constantine et à y insuffler une touche de modernité.

À Batna, cet esprit de renouveau urbain a été stimulé par l’initiative « Un million d’arbres », portée par Fouad Maâla. Cette dynamique a suscité l’engagement de plusieurs architectes locaux, qui ont proposé des aménagements pour le centre-ville. L’une des propositions les plus commentées concerne la reconfiguration d’un rond-point stratégique, imaginée par un jeune architecte. Publié sur les réseaux sociaux, son projet a suscité un large engouement et a même atteint les instances locales, dont la commune et l’Assemblée populaire de wilaya.

Dans cette effervescence, de nombreux habitants ont appelé à tirer profit de l’expertise de l’architecte paysagiste algérien de renommée internationale Kamel Louafi, originaire de Batna et installé en Allemagne. Connu pour avoir conçu certains des jardins les plus emblématiques d’Europe, il est notamment l’auteur du célèbre « Jardin d’Orient » à Berlin, une référence touristique majeure marquée par une forte influence de l’architecture arabo-islamique. Pour plusieurs citoyens, une collaboration entre Louafi et les acteurs locaux pourrait transformer Batna en véritable capitale verte.

Étudiant en dernière année de génie civil, Karim Antri plaide pour une meilleure valorisation de ces initiatives. Selon lui, l’architecture et le génie civil ne relèvent pas uniquement de la science, mais aussi de l’art. « Certains étudiants n’excellent pas nécessairement dans le cursus académique, mais disposent d’un talent créatif exceptionnel », souligne-t-il. Il appelle à la création d’espaces d’expression, de concours encadrés par des spécialistes et d’instances locales, afin de permettre aux meilleurs projets d’être concrétisés. « Un architecte originaire d’une ville en comprend mieux l’âme et les spécificités qu’un intervenant extérieur », estime-t-il.

Au-delà des projets eux-mêmes, ces initiatives traduisent un profond attachement au cadre de vie et un désir partagé de changement. Routes, ponts, quartiers ou villes entières sont ainsi réinventés par des citoyens convaincus que l’architecture peut être un levier essentiel de développement urbain, esthétique et durable. Une dynamique spontanée qui témoigne d’une nouvelle relation entre les Algériens et leurs villes, fondée sur l’engagement, la créativité et l’espoir.

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