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L’Algérie perpétue la mémoire de l’Emir Abdelkader

L’Algérie n’a jamais cessé d’honorer l’Emir Abdelkader, dont l’épopée, profondément ancrée dans la mémoire nationale, continue d’être célébrée et transmise. Aujourd’hui, le projet d’un film consacré à l’Emir prend forme, soulignant l’importance accordée à celui qui est considéré comme le bâtisseur de l’État national moderne.

La statue de l’Emir trône au cœur d’Alger, sur une place qui portait autrefois le nom de Bugeaud, un officier de la conquête coloniale. Ce geste symbolique, qui efface un nom lié à la colonisation pour le remplacer par celui du résistant, illustre la volonté de l’Algérie de transmettre aux générations futures l’héritage de l’Emir. Son nom a également remplacé celui de Bugeaud sur le fronton de l’un des plus grands lycées d’Alger. Pour beaucoup, l’Emir incarne l’esprit de l’éternel Jugurtha, comme le soulignait Jean Amrouche dans son ouvrage sur l’irrédentisme algérien.

Une mémoire entretenue par les intellectuels

L’héritage de l’Emir a été constamment ravivé par les intellectuels et militants de la cause nationale. Du jeune Kateb Yacine, dont la première conférence en 1947 portait sur « L’Emir Abdelkader et l’indépendance », à l’historien et ambassadeur Mohamed Cherif Sahli, auteur d’Abdelkader, chevalier de la foi (1946), la mémoire du résistant n’a jamais été laissée de côté. Sahli, dans un ouvrage paru en 1965 chez Maspero à Paris, appelait à « décoloniser l’histoire », soulignant l’importance de préserver la braise de l’héritage de l’Emir. La même année, Mostefa Lacheraf mettait en lumière en Algérie, nation et société, la résistance de l’Emir, matrice des révoltes ultérieures.

Aujourd’hui, aucune ville algérienne ne manque d’honorer l’Emir par des institutions éducatives, des places ou des rues. L’Université islamique de Constantine, symbole d’un équilibre entre tradition et modernité, porte également son nom.

Une figure centrale de l’enseignement et de l’édition

Dans le système éducatif algérien, l’épopée de l’Emir Abdelkader est enseignée depuis toujours. Les manuels scolaires relatent ses phases de résistance, ses stratégies et les traités qu’il a signés. Les élèves connaissent sa vie, de sa naissance jusqu’à son inhumation au carré des martyrs d’El Alia, après le rapatriement de ses ossements en 1966. Son portrait a également figuré sur des billets de banque, symboles de souveraineté nationale.

C’est surtout dans le domaine de l’édition et de la recherche universitaire que l’intérêt pour son destin exceptionnel s’exprime le plus. La bibliographie sur l’Emir est abondante : de La Vie d’Abdelkader de Henry Charles Churchill (1867), rédigée sous la dictée de l’Emir, aux nombreuses publications nationales sur sa trajectoire humaniste et ses réflexions poétiques. Des ouvrages plus récents explorent ses relations avec les minorités, sa perception des prisonniers et son rôle précurseur dans le droit humanitaire.

Un héritage littéraire et patrimonial vivant

De Kitab el Mawaqifs à Lettre aux Français, ses œuvres côtoient des analyses contemporaines par Belkhodja, M’hamsadji, Mustapha Cherif et d’autres chercheurs. Des romans, tels que La dernière nuit de l’Emir d’Abdelkader Djemai ou les récits de Waciny Laradj, alimentent également la fiction autour de son histoire. Le souci de préserver sa mémoire se traduit aussi par la conservation de lieux historiques, comme le site du traité de la Tafna à Aïn Témouchent ou le musée de l’Emir et la manufacture d’armes de Miliana, inscrits sur la liste des biens protégés.

Le nom de l’Emir Abdelkader reste profondément lié à une période de l’histoire algérienne où le sentiment d’appartenance s’exprimait à la fois par la plume et par l’épée, symbole de résistance, de tolérance et de construction nationale.

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