Terrorisme au Sahel : l’Algérie, centre névralgique d’une riposte régionale
Face à une menace terroriste qui gagne en ampleur et s’étend désormais aux portes de l’Afrique de l’Ouest, un constat s’impose : lorsque la situation se dégrade, les regards convergent vers Alger. Qu’il s’agisse d’expertise, de renseignement ou de stratégie, la capitale algérienne demeure une référence incontournable, reconnue comme telle par de nombreux partenaires occidentaux.
Ces derniers mois, plusieurs hauts responsables français ont reconnu les limites auxquelles se heurtent leurs services de renseignement depuis la détérioration des relations bilatérales. Le Premier ministre Sébastien Lecornu a lui-même admis que les capacités françaises opéraient « en aveugle » depuis la rupture de la coopération sécuritaire avec Alger. Une situation que partagent d’autres pays européens, ainsi que les États-Unis, qui voient dans l’approche algérienne une méthode fondée non seulement sur la lutte militaire, mais aussi – et surtout – sur l’assèchement des sources de financement terroriste.
Une menace qui s’étend vers l’Afrique de l’Ouest
Le dernier rapport de la Cedeao présenté au Conseil de sécurité des Nations unies a tiré la sonnette d’alarme : la menace n’est plus cantonnée au Sahel central. « De Dakar à Abuja, la violence gagne du terrain, infiltre les États côtiers, fragilise les économies et ébranle l’autorité publique », souligne l’organisation régionale.
Lors de ce même débat, l’ambassadeur algérien auprès de l’ONU, Amar Bendjama, a livré un diagnostic similaire, appuyé par une analyse précise des mécanismes de financement qui alimentent ces réseaux. Selon lui, les ressources financières du terrorisme – issues du trafic de stupéfiants, d’armes, de migrants, et des enlèvements contre rançon – permettent parfois à ces groupes de surpasser les capacités militaires des États les plus exposés.
Les récents enlèvements au Mali en sont la preuve : deux ressortissants émiratis et un Iranien ont été libérés contre un montant estimé entre 50 et 70 millions de dollars, tandis que des travailleurs indiens et égyptiens ont été capturés dans des opérations attribuées au GSIM.
Un échec de la coordination régionale
Pour Amar Bendjama, la montée en puissance des groupes terroristes découle directement d’un déficit de coopération entre les pays concernés. La mise en sommeil du Comité d’état-major opérationnel conjoint (CEMOC), mécanisme régional basé à Tamanrasset, illustre cette défaillance. Quatre de ses cinq membres ont préféré s’engager dans le G5 Sahel, une structure initiée par la France mais dont l’efficacité a été limitée et de courte durée.
Le diplomate algérien rappelle pourtant que son pays demeure l’un des acteurs les plus engagés contre ce fléau. L’Algérie a forgé son expertise au prix d’une décennie noire et joue, depuis, un rôle clé dans les initiatives de l’Union africaine, notamment à travers la Convention d’Alger de 1999, encore largement utilisée comme référence continentale.
L’Algérie plaide pour une réponse collective
À l’ONU, Bendjama a réaffirmé la volonté de l’Algérie de partager son expérience, renforcer ses partenariats et soutenir la mise en place d’une stratégie régionale intégrée. Pour lui, seule une coordination solide entre les États peut permettre de contenir une menace qui dépasse désormais les frontières.
Il a appelé à dépasser les clivages politiques pour instaurer au minimum une coopération sécuritaire et un échange de renseignement réguliers, même dans un contexte diplomatique complexe. L’urgence, insiste-t-il, impose de reconstruire un front commun.
Assécher les financements, une priorité absolue
Enfin, l’ambassadeur a insisté sur la nécessité de cibler les circuits financiers des groupes terroristes. Cela passe par un contrôle renforcé des flux monétaires et par une lutte déterminée contre les réseaux de trafic qui nourrissent ces organisations : drogue, armes, contrebande, traite humaine.
En somme, alors que le terrorisme redessine les lignes de fracture géopolitiques au Sahel et en Afrique de l’Ouest, l’Algérie s’impose une nouvelle fois comme un acteur pivot. Pour les capitales occidentales comme pour les institutions africaines, la sortie de crise semble passer, inévitablement, par Alger.
