Décès du moudjahid, artiste et boxeur Karim Tahar : une légende s’en va
Karim Tahar, également connu sous le nom de « Khali Tahar », est décédé, laissant un vide immense dans les domaines de la musique, du sport et de la culture algérienne. Né le 17 octobre 1931 à Béjaïa, ce moudjahid, artiste complet et boxeur professionnel a marqué plusieurs générations par son talent, son engagement et son héritage exceptionnel.
Reconnu comme l’un des précurseurs de la chanson kabyle moderne, Karim Tahar a su dépasser les frontières traditionnelles de la musique algérienne en intégrant des influences variées, notamment la rumba, le boléro, le flamenco, le mérengué et la valse. Dès 1947, avec le titre Itij Madicreq, il amorce une carrière musicale novatrice, rompant avec le folklore habituel pour offrir une fusion musicale originale et moderne. Sa voix et son style lui valent le surnom de « Tino Rossi kabyle », reflet de sa capacité à toucher un large public grâce à un répertoire chanté en arabe, kabyle et français.
Son répertoire comprend une quinzaine de chansons qui restent des classiques, parmi lesquelles Ini-d d accu, Ya Qelbi, Qolili Kelma, Mahla El-Gamra, Aalam El Djazaïr, Kheli Nnas At Goul, Le Soleil Brille, Pour Toi Mon Rêve d’Amour ou encore Yahbibi Yahbi. Karim Tahar s’est également inspiré des rythmes sud-américains et espagnols, collaborant avec des musiciens de talent comme José de Suza à la guitare, le violoniste Amari Maâmar, ou le qanoundji Kakino De Paz. Il a innové en intégrant dans ses compositions des instruments rares pour l’époque, tels que le bandonéon argentin ou la section cuivre composée de saxophone, trombone et trompettes bouchées.
Au-delà de sa carrière artistique, Karim Tahar a également brillé sur le ring. Boxeur professionnel, il a incarné la rigueur et la discipline sportives avant de devenir arbitre et juge international, contribuant ainsi au rayonnement de la boxe algérienne à l’échelle mondiale. Son parcours exemplaire fait de lui une figure emblématique qui a su allier passion, fidélité et dévouement tant à la culture qu’au sport.
Tout au long de sa carrière, Karim Tahar a collaboré avec des figures majeures de la musique. Il a notamment travaillé avec le compositeur virtuose Mohamed Iguerbouchène, avec qui il partageait des moments de création à la radio et dans les studios de Bouzaréah à Alger. Certaines de ses chansons ont également été orchestrées par le maestro Mohamed Abdelouaheb, sous la direction de Hamada Abdelouahab, directeur de la deuxième chaîne égyptienne, ou encore avec le chef d’orchestre français Pierre Devevey.
Karim Tahar laisse derrière lui un héritage culturel et sportif inestimable. Son œuvre musicale, innovante et riche, a contribué à moderniser la chanson kabyle et à promouvoir la culture algérienne bien au-delà des frontières nationales. Sa vie exemplaire de moudjahid, d’artiste et de sportif incarne l’esprit d’une Algérie fière de ses racines et tournée vers la modernité.
Sa disparition marque la fin d’une ère, mais son héritage continue de résonner à travers ses chansons, son engagement et l’inspiration qu’il a suscitée chez les générations actuelles et futures. Une légende s’en va, mais Karim Tahar restera à jamais gravé dans la mémoire collective de l’Algérie.
