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Al-Mughayir, village assiégé : chronique d’une politique coloniale en Cisjordanie

Depuis plusieurs jours, le village palestinien d’Al-Mughayir, situé au nord-est de Ramallah, en Cisjordanie occupée, subit une offensive brutale de l’armée israélienne et des colons qui l’encerclent. Derrière cette opération punitive, une réalité douloureuse : celle d’une stratégie militaire et coloniale systématique visant à vider les territoires palestiniens de leurs habitants, à travers la destruction méthodique de terres, d’infrastructures et de communautés entières.

Une offensive à prétexte, aux conséquences massives

L’intervention militaire actuelle aurait été déclenchée à la suite de la blessure d’un colon près d’Al-Mughayir, servant de prétexte à une punition collective. Dans les jours qui ont suivi, les habitants ont été soumis à un blocus total et à un couvre-feu strict, empêchant tout mouvement, même en cas d’urgence médicale.

Les chiffres parlent d’eux-mêmes :

  • Plus de 14 arrestations arbitraires,
  • Des maisons pillardées et vandalisées,
  • Des biens personnels et des objets de valeur dérobés,
  • Des infrastructures essentielles détruites, y compris les centres médicaux.
    Parallèlement, des centaines de dounams de terres agricoles ont été saccagés, notamment par l’arrachage systématique d’oliviers, véritables symboles de l’identité et de la survie économique palestiniennes.

Des terres confisquées au nom de la militarisation

L’armée israélienne a également annoncé la saisie de 267 dounams supplémentaires autour du village, évoquant des « fins militaires ». Cette décision, aux conséquences lourdes, prive plus de 4 000 Palestiniens de leur accès à la terre, alors qu’Al-Mughayir a déjà perdu la quasi-totalité de ses 43 000 dounams de terres originelles, grignotées année après année par les neuf avant-postes de colons qui l’encerclent.

Cette confiscation n’est pas un acte isolé : selon la Commission palestinienne de résistance au mur et à la colonisation, 18 ordres militaires ont été émis depuis janvier 2025, visant l’arrachage de 681 dounams d’arbres. Il s’agit là d’une tentative assumée d’éradication de l’agriculture palestinienne, pierre angulaire de l’économie et de la souveraineté locale.

Colons armés, violence organisée et impunité

Depuis le 7 octobre 2024, Al-Mughayir est devenu un théâtre de violences répétées, menées aussi bien par les soldats de l’armée israélienne que par les milices de colons armés, dont les attaques sont de plus en plus coordonnées. Le village a déjà perdu au moins six habitants dans ces offensives, et plus de 250 autres ont été blessés.

L’épisode le plus marquant reste l’attaque de grande ampleur menée par environ 1 600 colons, au cours de laquelle plus de 40 maisons et véhicules ont été incendiés. Ce niveau de violence reflète une montée inquiétante de l’impunité dans les territoires occupés, alors que les attaques de colons ne sont que rarement – voire jamais – sanctionnées.

Une stratégie de morcellement et de siège

Ce qui se joue à Al-Mughayir dépasse le seul cadre d’un village ciblé. Il s’inscrit dans une stratégie plus vaste, déployée en Cisjordanie depuis des années, et accélérée depuis 2023 : celle de transformer les territoires palestiniens en une mosaïque de cantons assiégés, isolés les uns des autres, privés de terres, d’accès, de ressources et de continuité territoriale.

Après les camps de réfugiés de Jénine, Nour Shams et Tulkarem, ce sont désormais les villages agricoles – historiquement paisibles – comme Deir Ballut, Buruqin ou Al-Mughayir qui subissent ce rouleau compresseur.

Résistance, malgré tout

Face à cette machine coloniale destructrice, Al-Mughayir incarne une forme de résilience palestinienne. Malgré le siège, malgré la violence, malgré la perte massive de terres et de moyens de subsistance, les habitants continuent d’affirmer leur présence. Ils cultivent ce qui peut l’être, réparent les maisons brûlées, organisent des veilles pour prévenir de nouvelles attaques. Leur simple existence devient un acte de résistance quotidienne.

Un contexte régional marqué par des pertes humaines massives

Cette offensive en Cisjordanie s’inscrit dans un contexte plus large d’escalade meurtrière dans les territoires palestiniens. À Gaza, les chiffres publiés récemment font état de 62 686 morts et 157 951 blessés, selon les autorités locales. Plus de 70 % des victimes sont des femmes et des enfants, ce qui souligne l’ampleur des massacres et le ciblage des civils.

Ces chiffres, aussi accablants qu’ils soient, peinent pourtant à mobiliser la communauté internationale, de plus en plus critiquée pour son inaction face aux violations du droit international humanitaire.


Conclusion : Al-Mughayir, miroir d’un projet colonial assumé

Loin d’être un « incident isolé », l’offensive contre Al-Mughayir illustre la nature systémique de l’occupation israélienne : punition collective, répression militaire, destruction de l’économie locale, développement de colonies illégales, militarisation de la terre et insécurité organisée.

La stratégie est claire : déraciner les Palestiniens de leurs terres, briser leur résistance, et imposer une réalité irréversible sur le terrain, en l’absence d’un règlement politique juste.

Mais tant que des villages comme Al-Mughayir résisteront, tant que des oliviers seront replantés malgré les bulldozers, l’histoire palestinienne continuera de s’écrire – dans la douleur, mais aussi dans la dignité.

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