Piratage massif des comptes CCP : Algérie Poste pointée du doigt pour son inertie
Benouar.N
Une vaste escroquerie liée au piratage des comptes CCP a récemment frappé un grand nombre d’usagers. L’affaire a pris de l’ampleur sur les réseaux sociaux, notamment à travers un post frauduleux détourné par des hackers. Ce dernier, initialement publié par l’ex-directeur général d’Algérie Poste pour vanter les résultats d’un concours promettant des primes à des milliers de détenteurs de comptes, a été piraté et utilisé pour piéger des internautes. Ces derniers, croyant avoir gagné une somme importante, ont été approchés par les arnaqueurs.
L’auteur de cet article témoigne lui-même avoir été victime de cette fraude : son compte a été vidé de l’intégralité de son solde en un temps record. En se rendant dans une agence d’Algérie Poste, il a découvert que de nombreuses personnes s’étaient également présentées avec des récits similaires, notamment à la veille de l’Aïd El Kébir.
Cependant, les réponses fournies par les agents sur place, qu’ils soient receveurs ou inspecteurs, ont été pour le moins déconcertantes. Tout en reconnaissant l’ampleur de l’escroquerie, ils ont rejeté la faute sur les victimes, accusées de naïveté, et nié toute responsabilité de l’institution. Une attitude qui témoigne d’un profond désengagement de la part d’un service public censé protéger ses clients contre ce type d’attaques.
Lorsque l’auteur a interpellé un responsable, il a souligné que la responsabilité d’Algérie Poste était bel et bien engagée. Avec les compétences techniques dont dispose l’institution, des ingénieurs auraient pu anticiper ce genre de piratage. Pire encore, le post incriminé était toujours en ligne, suscitant encore l’enthousiasme de nombreux internautes. Une réaction rapide, comme la suppression du post et la diffusion de mises en garde claires, aurait pu limiter les dégâts.
Certes, Algérie Poste a diffusé récemment un communiqué et quelques spots télévisés, mais ces messages se sont avérés insuffisants et manquaient de clarté. Il aurait été plus pertinent d’organiser des émissions radio et télévisées dédiées, avec témoignages de victimes à l’appui, pour alerter efficacement la population. D’autant que le communiqué initial date de plusieurs jours, voire semaines, alors que les pirates, eux, n’attendent pas pour agir.
La réponse des agents d’Algérie Poste n’a pas été seulement insatisfaisante, elle a été irresponsable. Ils ont affirmé être informés des arnaques, tout en déclarant leur impuissance et en renvoyant la balle à la direction générale ou au ministère de tutelle. Une attitude qui ne fait qu’accentuer le sentiment d’abandon chez les victimes.
Autre exemple de dysfonctionnement : lorsqu’un client demande un relevé de compte pour constater la fraude, il doit attendre 48 heures pour un document papier, alors que ce même relevé est accessible instantanément via l’application BaridiMob. Les agents, cependant, affirment que ce relevé numérique n’a aucune valeur juridique, ce qui va à l’encontre de la volonté des plus hautes autorités du pays qui prônent la numérisation des services publics.
Il apparaît donc clairement que ce manque de réactivité, associé à une déconnexion flagrante entre les discours officiels et la réalité sur le terrain, entretient un climat de méfiance et d’indignation. Malgré les moyens humains et techniques dont dispose Algérie Poste, la gestion de cette crise révèle un dysfonctionnement profond, voire une forme de sabotage administratif.
En résumé, cette affaire met en lumière un laxisme inquiétant d’Algérie Poste, incapable de répondre à une escroquerie massive qui aurait pourtant pu être anticipée. Un simple communiqué régulier, une écoute réelle des victimes et une action rapide sur les réseaux sociaux auraient pu limiter les pertes. Pire encore, la passivité face à ces attaques laisse penser que les victimes sont seules à porter le fardeau de cette défaillance.
Un travail rigoureux doit également être mené sur les réseaux sociaux : il est essentiel que les autorités compétentes enquêtent sur les comptes qui partagent et “aiment” ces publications frauduleuses. Car dans bien des cas, certains de ces profils pourraient être complices, voire impliqués directement dans l’escroquerie. Rejeter toute la responsabilité sur les victimes revient à nier les devoirs fondamentaux d’une institution publique censée protéger ses citoyens.
