Automobile : le ministère de l’Industrie promet un nouveau taux d’intégration « scientifique et réaliste »
Lors d’un point de presse tenu en marge de l’inauguration de l’usine de sucre Tafadis, le ministre de l’Industrie, Sifi Ghrieb, s’est exprimé sur le dossier sensible de l’industrie automobile, en tentant de rassurer l’opinion publique : « Sur le sujet de l’automobile, je rassure tout le monde, nous y travaillons en silence, de manière précise et scientifique », a-t-il déclaré, avant d’ajouter : « nous allons sortir un taux d’intégration qui va satisfaire tous les Algériens ».
Visiblement agacé par les interrogations répétées sur ce thème, le ministre a prévenu que ce serait la dernière fois qu’il s’exprimait sur le sujet, tout en assurant qu’il y consacrait toute son attention : « Personnellement, je réfléchis 24 heures sur 24 à ce dossier, connaissant les préoccupations des citoyens ». Il a par ailleurs annoncé la tenue, ce jour-là, d’une première réunion dédiée à l’adoption d’un calendrier spécifique pour définir le nouveau taux d’intégration, précisant que « cela n’existait pas auparavant ».
Un héritage à rectifier
Le ministre n’a pas mâché ses mots pour critiquer la gestion précédente du dossier, notamment sous l’ancien ministre Abdeslam Bouchouareb. Il a mis en cause la validité des textes réglementaires, des décrets et des cahiers des charges de l’époque, jugés peu crédibles et inapplicables. Il s’agit notamment du décret exécutif 17-344 et de son cahier des charges publié au Journal officiel en novembre 2017, qui fixaient un taux d’intégration progressif de 15 % au bout de trois ans, et entre 40 % et 60 % après cinq ans d’activité. Ce taux était alors calculé sur une base financière intégrant des composantes discutables, telles que le taux d’exportation de pièces de rechange, imposant même aux constructeurs d’exporter des pièces, ce qui avait suscité de nombreuses critiques.
Vers un nouveau mode de calcul
Le nouveau cadre juridique, introduit par le décret exécutif n° 22-384 du 17 novembre 2022, prévoit une révision complète de la méthode de calcul. Son article 5 stipule que le taux d’intégration sera défini par un arrêté interministériel conjoint des ministères de l’Industrie, des Finances et du Commerce — un texte qui, à ce jour, n’a toujours pas été publié.
Le ministère s’oriente désormais vers un calcul « réel » du taux d’intégration, fondé sur la proportion effective de pièces détachées fabriquées localement, comme l’avait indiqué Ahmed Salem Zaid, directeur général du développement industriel, dès 2022. Cette nouvelle approche vise à rompre avec les pratiques antérieures jugées inefficaces, notamment en raison de la dévaluation du dinar et de la manipulation des chiffres.
Des projets en attente de clarification
En attendant l’officialisation de ce nouveau taux, plusieurs projets avancent. Stellantis, qui produit des véhicules Fiat à Tafraoui depuis décembre 2023, est déjà opérationnel. Hyundai, pour sa part, n’attend plus que son agrément définitif pour démarrer la construction de son usine. De son côté, le constructeur chinois Jetour, en partenariat avec la fonderie algérienne Fondal, se prépare également à se lancer dans la fabrication locale.
Une question cruciale demeure : les constructeurs déjà engagés, comme Fiat, seront-ils soumis rétroactivement aux nouvelles règles de calcul du taux d’intégration, ou continueront-ils à fonctionner selon les anciennes normes ? Le flou juridique et l’absence de l’arrêté interministériel laissent encore planer l’incertitude.
Conclusion
Le secteur automobile algérien amorce un tournant décisif. Le ministère promet une réforme « qualitative, quantitative et tarifaire » qui doit restaurer la crédibilité du dispositif d’intégration locale. Reste à traduire ces engagements en actes clairs, et surtout en textes réglementaires applicables, pour garantir une industrie nationale compétitive, durable et réellement intégrée.