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« La Gare Aïn Lahdjar » : une comédie dramatique entre satire sociale et hommage au désert algérien

Alger a vibré au rythme du cinéma ce samedi avec la présentation en avant-première du long métrage La Gare Aïn Lahdjar, nouvelle réalisation du cinéaste algérien Lotfi Bouchouchi. Cette œuvre, à la fois comique et dramatique, s’est dévoilée au public de la Cinémathèque d’Alger en présence du ministre de la Culture et des Arts, Zouhir Ballalou, et d’un parterre de cinéphiles, critiques, professionnels du 7e art et étudiants des écoles spécialisées. Cette projection événement marque un nouveau jalon dans le parcours d’un réalisateur déjà salué pour son regard affûté sur la société algérienne contemporaine.

Produit par le Centre algérien du développement du cinéma (CADC) en collaboration avec le Studio DS, le film est porté par un solide soutien institutionnel et entend séduire un public large, grâce à son humour subtil, sa finesse d’analyse sociale et son esthétique soignée. La Gare Aïn Lahdjar s’inscrit dans une veine résolument populaire, tout en restant fidèle à une démarche d’auteur ancrée dans les réalités du pays.

Un village oublié, une gare en ruine et des rêves de reconquête

Le récit se déroule dans une bourgade isolée aux confins du désert algérien, oubliée des plans de développement et condamnée à l’inertie. Le cœur symbolique de cette communauté : une gare désaffectée, vestige d’un passé où les trains s’arrêtaient encore, où le mouvement existait, où l’avenir semblait possible. À travers cette métaphore de l’immobilisme, Lotfi Bouchouchi construit une satire douce-amère de la bureaucratie, de l’oubli des territoires périphériques, mais aussi des absurdités qui en découlent.

Les habitants, bien que confrontés à l’inaction de l’État, se prennent à rêver de faire revivre leur gare, et avec elle, leur dignité. C’est cette tentative collective, parfois maladroite, souvent émouvante, toujours humaine, qui structure le film. Sous une apparente légèreté, La Gare Aïn Lahdjar livre une critique poignante de l’inertie institutionnelle, de l’isolement des régions reculées, mais aussi une ode à la résilience des communautés.

Un casting généreux et une direction artistique maîtrisée

L’un des grands points forts du film réside dans la richesse de sa distribution. Lotfi Bouchouchi a su rassembler une génération d’acteurs confirmés et de jeunes talents qui se donnent corps et âme à leur rôle. Nabil Asli, Houria Behloul, Yaakoub Guenfoud, Yasmine Kerkache, Kamel Rouini, Rachid Ben Goudifa, Mourad Saouli, Mebrouk Ferroudji, Ahmed Deloum et Mohamed Kadri livrent des prestations sincères et nuancées, contribuant à donner au film son épaisseur humaine.

La musique originale, signée par Aboubakr Maatallah, accompagne avec justesse les images, apportant une dimension émotionnelle à l’intrigue. Le scénario, écrit par Rachid Ben Brahim puis réécrit par le réalisateur, allie humour, poésie du quotidien et tension sociale, dans un équilibre rare. L’image, quant à elle, capte avec tendresse et esthétisme les paysages arides du sud algérien, donnant au désert une voix, une présence presque charnelle.

Une œuvre au service du cinéma national

La sortie nationale du film est annoncée pour la fin du mois, et la productrice exécutive du Studio DS, Dahlia Antri, a assuré que la distribution en salles obscures couvrira l’ensemble du territoire. Un choix assumé qui témoigne d’une volonté de démocratiser l’accès au cinéma d’auteur tout en valorisant une production nationale de qualité. Cette initiative s’inscrit dans une dynamique de relance du secteur cinématographique en Algérie, avec le soutien actif du ministère de la Culture et des Arts.

À l’issue de la projection, le ministre Zouhir Ballalou a remis des distinctions honorifiques au réalisateur et à la productrice, saluant le travail collectif derrière ce projet ambitieux. Le débat qui a suivi, animé par un public curieux et engagé, a permis d’aborder les enjeux artistiques, sociaux et politiques du film. Lotfi Bouchouchi, fidèle à sa vision humaniste et lucide, y a défendu un cinéma utile, sensible et profondément enraciné dans la réalité algérienne.

Un cinéma de terrain, au plus près des invisibles

Avec La Gare Aïn Lahdjar, Lotfi Bouchouchi confirme son attachement à un cinéma de proximité, capable de raconter les marges, de donner la parole à ceux que l’on entend rarement, de mettre en lumière des récits invisibles. Sans céder au misérabilisme, il signe une œuvre drôle, touchante et pertinente, qui résonne avec les préoccupations d’un pays en mutation.

En offrant au public cette comédie dramatique ancrée dans la chaleur humaine et l’ironie sociale, Bouchouchi continue de tracer une voie singulière dans le paysage cinématographique maghrébin. Il fait de cette gare perdue dans le désert un lieu d’espoir, un symbole de résistance, et surtout, un miroir fidèle de la société algérienne contemporaine.

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