La France a utilisé des armes chimiques en Algérie : révélations d’un film documentaire
Par : Amani H.
Le film Algérie, sections armes spéciales, diffusé ce 9 mars sur la Radio Télévision suisse et prévu pour le 16 mars sur France 5, révèle un secret longtemps gardé : la France a utilisé des armes chimiques, interdites par le Protocole de Genève de 1925, lors de la guerre d’Algérie, entre 1954 et 1959. Cette utilisation a eu lieu malgré l’engagement de la France en tant que première nation signataire de cet accord international contre les armes chimiques, qui avaient été largement utilisées pendant la Première Guerre mondiale.
Claire Billet, la réalisatrice du film, s’appuie sur les archives personnelles de soldats français, ainsi que sur les témoignages de combattants et de civils algériens, pour révéler ce que beaucoup considéraient comme un « honteux secret ». Elle s’appuie également sur les travaux de l’historien Christophe Lafaye, qui a consacré ses recherches à ce sujet.
Grâce à des efforts acharnés pour contourner les obstacles administratifs, Christophe Lafaye a retrouvé plusieurs documents clés, dont un courrier du commandant supérieur interarmées de la 10e région militaire en Algérie, daté de mars 1956, qui évoque l’accord politique pour l’utilisation des armes chimiques. Ce courrier mentionne l’aval du secrétaire d’État aux Forces armées de l’époque, Maurice Bourgès-Maunoury.
Dès 1956, un plan précis pour l’emploi des armes chimiques a été mis en place, visant notamment à gazer les grottes où les résistants algériens se cachaient. Ces opérations avaient pour objectif d’infecter les grottes et de tuer ou capturer les combattants. Le film présente également le témoignage de survivants de l’attaque chimique de la grotte de Ghar Ouchettouh, dans les Aurès, où, le 22 mars 1959, près de 150 villageois furent tués par les gaz.
Les produits chimiques utilisés étaient extraits des stocks de la Première Guerre mondiale et comprenaient des substances telles que le CN2D et l’Adamsite, combinés avec des agents toxiques comme la chloroacétophénone (CN). La France a ainsi mis en place une centaine de sections d’armées spéciales pour mener ces opérations, avec un total estimé de 8 000 à 10 000 gazages pendant la guerre, bien que l’inventaire exact reste incomplet.
L’historien Christophe Lafaye a documenté 440 de ces gazages, qu’il a inscrits sur une carte, offrant ainsi un éclairage précis sur l’ampleur de ces atrocités. Il faudra attendre 1993 pour que la France interdise définitivement la fabrication et l’utilisation des armes chimiques.
Ce film documentaire, produit par Luc Martin-Gousset pour SOLENT Production, fait la lumière sur des événements historiques qui ont été ignorés ou dissimulés pendant des décennies. Algérie, sections armes spéciales est un film essentiel pour comprendre les horreurs de la guerre d’Algérie et les moyens utilisés par la France pour réprimer la résistance algérienne.