Exportations hors-hydrocarbures : la nécessaireconformité des produits aux standards internationaux
Par : La rédaction
L’objectif de l’Algérie de porter ses exportations à 29
milliards de dollars d’ici 2030 est confronté à une réalité
inévitable, celle d’adapter ses produits aux marchés
mondiaux, notamment celui de l’union européenne.
Du moment que l’Algérie projette devenir un acteur majeur
sur le marché européen, elle doit impérativement adapter
ses produits aux normes exigées par ce marché. Le cas
de la pâte à tartiner El Mordjene, refoulée aux frontières
de l’Europe, n’est pas un simple incident isolé, mais le
symptôme d’un enjeu plus vaste pour le secteur industriel
national.
L’ambition affichée par l’Algérie d’exploser ses
exportations hors hydrocarbures en six ans repose sur
une condition primordiale : la conformité aux standards
internationaux. Le marché européen, l’un des plus
exigeants au monde, impose des critères rigoureux en
matière de qualité, de sécurité alimentaire et de respect
de l’environnement. Si l’Algérie veut jouer un rôle clé sur
ce marché, il est impératif que ses produits, qu’ils soient
alimentaires, manufacturés ou industriels, respectent ces
normes strictes.
De cette manière, ce défi est devenu particulièrement
urgent suite à l’affaire de la pâte à tartiner El Mordjene, un
produit national qui a fait ses preuves au milieu de la
population européenne et dont l’entrée a été récemment
interdite en France et bloquée par l’UE. La raison ? Une
composition non conforme aux standards européens, en
contradiction avec les termes de l’accord d’association
signé entre l’Algérie et l’union européenne.
Il n’est pas à rappeler que les règles européennes en
matière de sécurité alimentaire sont strictes, notamment
pour les produits contenant des dérivés laitiers. Selon les
autorités françaises, l’Algérie ne remplit pas les conditions
nécessaires pour exporter des marchandises contenant
des produits laitiers vers l’UE. Cela inclut des exigences
concernant la santé animale et la sécurité sanitaire des
aliments. Le ministère français de l’agriculture a précisé
que l’absence de conformité aux normes européennes a
conduit à l’interdiction d’importation de ce produit algérien.
Pour le vice-président de l’association nationale des
exportateurs algériens (Anexal), Ali Bey Naceri, le blocage
qu’a subi le produit El Mordjene n’est pas chose nouvelle.
«Nous avons eu de grosses commandes à l’exportation
vers l’UE pour divers produits, comme le petit-lait, les
biscuits et la mayonnaise, qui contiennent des
composants de lait et d’œufs, qu’on n’a pas pu satisfaire à
cause des exigences des normes européennes», a-t-il
regretté, soulignant qu’aujourd’hui «l’heure est venue pour
se conformer à ces normes, notamment avec l’existence
d’une forte industrie nationale».
D’après le vice –président , l’UE exige aux pays
exportateurs d’avoir un plan national de surveillance des
résidus. «Les produits toxiques, comme le zinc, le plomb,
le mercure, etc., ne doivent pas exister dans les aliments
du bétail pour ne pas contaminer la viande de ces bêtes»,
a-t-il expliqué, soulignant que «les autorités compétentes
comme le ministère de l’agriculture et celui de
l’environnement doivent mettre en place ce plan de
surveillance et cette ligne rouge, pour se conformer aux
normes de l’UE».
Le respect des exigences de certains marchés est
indispensable surtout lorsque l’on sait que l’Algérie
ambitionne de relancer son industrie nationale à travers
plusieurs projets de grande envergure. Parmi eux, le
projet algéro-qatari Baladna, qui vise à développer la
production locale de poudre de lait, un levier stratégique
pour garantir l’autosuffisance en produits laitiers qu’il
faudra aussi aligner sur les normes européennes comme
intrant dans l’industrie agroalimentaire. Ce projet
permettra à l’Algérie non seulement de réduire sa
dépendance aux importations de lait, mais aussi de se
positionner sur les marchés internationaux, en respectant
les critères de qualité imposés par l’UE.
En outre, le projet de colocalisation de l’industrie chinoise
de l’électroménager en Algérie représente une autre
avancée majeure. En transférant des technologies et des
savoir-faire en matière de fabrication, comme c’est le cas
du partenariat entre le leader mondial de l’électroménager
Haier et l’entreprise algérienne Samha, filiale du groupe
Cevital, permettra aux produits algériens d’acquérir une
meilleure compétitivité à l’export, notamment sur le
marché européen. Les équipements électroménagers
fabriqués en Algérie dans le cadre de ce partenariat sino-
algérien seront conçus pour satisfaire les exigences
strictes des normes européennes, offrant ainsi une
opportunité réelle d’expansion pour l’industrie locale.
En plus de cette forme d’adaptation inévitable aux
normes à l’export, l’Algérie n’a pas manqué de mettre en
lumière les déséquilibres profonds de l’accord
d’association avec l’union européenne, en vigueur depuis 2005
Bien que cet accord ait généré des échanges
commerciaux de 1000 milliards de dollars en 15 ans, il a
largement profité aux pays européens, tandis que les
investissements européens en Algérie, notamment hors
hydrocarbures, sont restés limités.
Ces chiffres ont été dévoilés par le ministre des affaires
étrangères Ahmed Attaf dans sa réponse au député des Algériens de France, Abdelouahab Yagoubi, qui a posé
une question écrite au chef de la diplomatie algérienne sur
le conflit commercial entre l’Algérie et l’union européenne.
Selon le ministre, les mesures prises par l’Algérie depuis
2021 pour rationaliser les importations et favoriser les
intrants locaux n’ont pas affecté les échanges
commerciaux avec l’UE, qui ont même augmenté de 20%
en 2023. Toutefois, il a critiqué l’accord d’association, qui
continue de favoriser un modèle basé sur les importations
plutôt que sur les investissements et la production
économique en Algérie, ce qui a creusé un déséquilibre
commercial significatif.
Selon Attaf, c’est ce «déséquilibre qui a poussé le
président de la République à demander une révision de
l’accord, article par article», avec une «vision souveraine»,
tout en tenant compte de «l’intérêt des producteurs
algériens pour créer un tissu industriel et des emplois»,
ajoutant que «c’est cette révision que notre département
est en train de mener avec d’autres départements
ministériels».
En modernisant ses normes de production et en assurant
la conformité à l’échelle internationale, tout en révisant
l’accord avec l’UE selon le principe gagnant-gagnant,
l’Algérie peut réellement atteindre son objectif ambitieux
de 29 milliards de dollars d’ici 2030.